orsqu'au mois de décembre dernier, lors de la tenus d'une conférence à l'Hôtel du Lac à Tunis
organisée par le
Mouvement Et-Tajdid sur « l'opposition démocratique progressiste et la nécessité de l'unité », le jeune
avocat de gauche, Me Ayachi Hammami, souvent « catalogué » proche du POCT, distribua, presque avec timidité, son
« papier » sur les prochaines élections présidentielles et législatives, rares étaient ceux qui
étaient disposés à
parier un kopeck sur les propositions contenues dans ce papier.
En effet, Me Ayachi Hammami proposait ni plus ni moins le rassemblement de toute l'opposition démocratique pour
participer en commun aux prochaines élections, les législatives bien sûr, mais aussi, et c'est là où résidaient à
la fois la nouveauté et « l'outrecuidance », les présidentielles. Profitons, disait en substance Me
Hammami, de la
brèche qui subsiste dans la législation (les conditions à remplir pour les candidats à l'élection présidentielle)
et, à côté de listes communes aux législatives, présentons ensemble un candidat aux présidentielles. Ce candidat
qui répond à la fois aux exigences légales et à celles d'une plate-forme démocratique, ce candidat existe : l'un
des dirigeants de Et-Tajdid qui serait choisi en commun par Et-Tajdid et toutes les forces
démocratiques coalisées.
C'était une véritable gageure, à la limite de la provocation. À l'égard du pouvoir d'abord, puisqu'il s'agissait de
présenter, pour la première fois depuis la proclamation de la République, il y a presque un demi-siècle, un
candidat aux présidentielles. Non pas un candidat-figurant, un candidat-décor, comme cela avait été le cas lors des
élections d'octobre 1999, mais un véritable candidat de l'opposition, qui se présenterait, contre le président
Ben Ali, sur la base d'une plate-forme démocratique, de rupture avec le système politique qui régit le pays
depuis près d'un demi-siècle : fusion État-Parti, monopole de la vie politique par le RCD, contrôle absolu de
l'information, instrumentalisation de la justice, violation des libertés individuelles et publiques, renforcement
incessant du pouvoir personnel etc.
Provocation, donc, à l'égard du régime mais provocation également à l'égard des autres partis ou sensibilités de
l'opposition démocratique. Pensez donc : cette frange de l'opposition qui développe depuis deux ou trois ans un
discours « radical », un discours d'opposition « pur et dur », qui se résume chez certains à cette phrase simple :
ce qu'il faut exiger aujourd'hui, ce n'est ni plus ni moins que le départ de Ben Ali...
Mais voilà, l'outrecuidance a « mordu » lentement mais sûrement, « les propositions Ayachi » sont devenues le sujet
de réflexion puis la question centrale des débats au sein de l'opposition démocratique. Les indépendants, dont tout
le monde convient qu'ils constituent, par le nombre mais aussi souvent par la qualité, une composante déterminante
de l'opposition démocratique et progressiste, s'organisent à partir du mois de février. Plusieurs dizaines d'entre
eux, dont (pour n'en citer que les plus connus) : Mohamed Charfi, Mahmoud Ben Romdhane, Sâadoun Zmerli, Khedija
Cherif, Sana Ben Achour, Salah Zeghidi, Taoufik Houij, Hachemi Ben Fraj, Yassine Guiga, Mohamed Salah Kheriji,
Mahjoub Azzam, rejoints plus tard par Khemaïes Chammari, Noureddine Ben Khader, Mohamed Ben Jannet etc.
Et-Tajdid, après mûre réflexion, accepte la proposition et entre pleinement dans l'opération. De même que
le groupe (dissident du POCT depuis plusieurs années) des « communistes démocrates » dirigé par Mohamed Kilani,
ex-numéro 1bis du POCT, qui s'engage dans l'Initiative en la rajeunissant par la « fraîcheur » de
ses jeunes...
L'Initiative Démocratique naît et apparaît au grand jour du mois de mai... Le Comité National de
l'Initiative Démocratique (CNID) est créé le 12 juin. Le candidat aux présidentielles est désigné en commun par
toutes les composantes de l'Initiative : il s'agit de Mohamed Ali Halouani, président du Conseil National de
Et-Tajdid, professeur de philosophie à la Faculté des Lettres de Sfax et ancien doyen de cette même
Faculté. Une conférence de presse est organisée : plusieurs journaux de la place sont présents, mais comme prévu,
ni la Radio-Télévision ni la TAP, l'agence officielle d'information, n'ont fait le déplacement. L'Initiative se met
en place, s'organise. Après le meeting du 28 mai à l'Hôtel du Lac (près de 250 personnes), des Comités Régionaux
sont constitués : à Tunis, à Sfax, à Sousse, à Nabeul et... à Paris (les Tunisiens résidant en France participent aux
élections présidentielles tunisiennes) Un groupe d'universitaires (une trentaine) de toutes disciplines partisans
de l'Initiative travaille sur une ébauche du programme politique des candidats de l'Initiative, notamment le
candidat présidentiel. Un comité de parrainage de l'Initiative est actuellement en cours de constitution : il
regroupe des personnalités des mondes de la politique, de l'université, de l'économie, de la presse, des arts et
spectacles, de la médecine.
L'importance de l'information et de la communication n'échappant pas aux responsables de l'Initiative, il a été
décidé que la revue mensuelle Et-Tariq El-jadid se transforme en journal hebdomadaire pour être le
porte-parole de l'Initiative démocratique. Beaucoup a été fait. Beaucoup reste à faire. Le CNID tentera jusqu'au
bout de vaincre les réticences de ceux des militants de l'opposition démocratique qui continuent à hésiter.
L'Initiative n'exclut aucun d'entre eux. D'ores et déjà, deux membres du bureau politique du PDP (de Néjib Chebbi)
ont rejoint l'Initiative. Il est attendu que d'autres suivront. L'Initiative croit profondément qu'un tournant peut
être enregistré : non pas au niveau électoral, mais au niveau politique. Du moins pour la Tunisie, pour
l'opposition démocratique et progressiste qui refuse que le peuple tunisien, ses élites, ses femmes, ses jeunes
soient condamnés à moisir entre le marteau du régime politique actuel et l'enclume de l'intégrisme islamiste.