endredi 18 juin, sur RFI en
milieu de matinée, un certain Selim prend la parole dans un débat général ouvert aux
auditeurs. La langue de bois taillée comme une massue, le dénommé Selim débite d'une pièce le discours archétypal
de la mauvaise foi quand on veut noyer son chien et qu'on l'accuse de la rage : le directeur du journal
Le Matin
- dit-il en substance - est traîné en justice pour une infraction à la législation des douanes.
On aurait retrouvé
par hasard dans ses valises à l'aéroport quelques bons de caisse à tirer en catimini. Ben voyons, dans un pays où
le marché parallèle des devises se fait au grand jour entre de petites mains trabendistes et de plus gros
« entrepreneurs », Mohamed Benchicou, en journaliste informé qu'il est, prend le risque d'une
petite contrebande sous les yeux des douaniers !
Et le Selim, ambassadeur de l'autorité algérienne, de continuer son réquisitoire sur RFI : d'ailleurs, Benchicou
est aussi un provocateur et un pêcheur en eaux troubles, ce n'est pas un journaliste.
L'ennuyeux, c'est que la justice immanente qui s'abat sur Le Matin et sur sa trésorerie pour étouffer
ce journal
indépendant et critique était prévisible. Après son score si convaincant aux élections, Boutef le petit
- comme le
surnomme le caricaturiste Dilem - n'avait-il pas promis de voler dans les plumes de la grande
presse d'Algérie ?
Déjà quelques jours plus tôt, le journaliste d'Al-Jazaïr et militant de la Ligue algérienne des
droits de l'homme
n'était-il pas tombé sous le coup de 37 plaintes pour avoir dénoncé, dans la Wilaya de Djelfa, le scandale de 13
bébés morts mystérieusement à l'hôpital de la ville.
Deux mois de prison ferme pour Hafnaoui Ghoul, deux ans de prison pour Mohamed Benchicou et, ces derniers jours,
deux mois de prison aussi pour le directeur de groupe de presse Er-raï, Ahmed Bennaoum, arrêté en
plein tribunal
d'Oran. Et ce n'est pas tout : Abla Cherif, journaliste au Matin, devait comparaître le 6 juillet en
justice pour un article sur des faits de torture qu'auraient subis de jeunes émeutiers des Aurès. Des tracasseries
sans fin
exaspèrent les journaux El Watan, El Khabar, Le soir d'Algérie et Liberté,
250 plaintes en diffamation s'abattent
sur des journalistes et même des correspondants étrangers n'échapperaient pas à « une normalisation à la
tunisienne » selon des observateurs. Mais en Tunisie chacun sait que « le combat cessa faute
de combattants » !
L'union européenne interpellée au nom de la liberté de presse ne réagit pas jusqu'ici et à Rome en la fin juin, le
ministre des affaires étrangères soutenant le Président Bouteflika déclare préférer se ranger « derrière les
valeurs positives de l'Algérie », le président algérien manifestant « la volonté de poursuivre dans
la voie des réformes » et de « la lutte contre le terrorisme ».
Les valeurs positives de l'Algérie, c'est pourtant une presse libre qui les a portées en payant depuis 1988 un
lourd tribut. Devant l'exemplarité des journalistes algériens, un modèle de courage et de verve, de passion pour
leur métier, nous nous associons à la solidarité qui leur est manifestée par des comités de citoyens en Algérie,
des positions de syndicats internationaux de défense des journalistes et par des pétitions et manifestations
d'intellectuels, de créateurs et de communicateurs, protestant contre cette main basse et lourde sur la presse
d'Algérie.