Alternatives citoyennes Numéro 3 - 10 juillet 2001
des Tunisiens, ici et ailleurs, pour rebâtir ensemble un avenir
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Éditorial
« Ami-e, si tu tombes... »

 

Lors de notre première mise en ligne le 20 mars (numéro 0), l'éditorial précisait que ce journal était indépendant et il l'est ! Sa direction n'a ni mécène, ni guide spirituel, ni fil à la patte. Inféodés à aucune chapelle, soucieux de la déontologie, nous ouvrons nos colonnes à des courants d'opinions divers qui s'expriment en toute liberté. En dehors du respect de règles éthiques, aucune censure n'est exercée car nous tenons notre engagement que, sans un sou et même sans grand héroïsme ni provocation, la pratique de la liberté de presse est possible en Tunisie, en toute transparence.

Cela ne va pas, pour autant, de soi : l'édition papier est encore loin, la demande de visa une perte de temps ; le journal est mis en ligne et hébergé à l'étranger, et la consultation du site à partir de la Tunisie passe encore par les inévitables contournements des proxies. Mais quasiment tous nos contributeurs signent leurs articles sans crainte, et la direction du journal est assumée par deux femmes qui ne s'en cachent pas. Cette petite « révolution » journalistique est une révolution tranquille et au vu de toutes celles et de tous ceux qui nous accompagnent, elle apparaît déjà efficace, c'est-à-dire durable.

L'éditorial du premier numéro annonçait aussi que notre journal ne se situait pas « dans l'opposition ». Telle était, et demeure, notre intention : nous ne partageons pas forcément les enjeux, les objectifs, ou les stratégies d'une opposition qui, du reste, n'est pas monolithique. Mais nous sommes partisans. Partisans de la démocratie, partisans du respect des libertés fondamentales, partisans, par-dessus tout, de la régénération de l'esprit critique et du débat en Tunisie.

Notre solidarité ira donc toujours à celles et ceux que de simples délits d'opinion jettent au cachot ainsi qu'aux époques sinistres de despotismes obsolètes. Nous sommes solidaires de tous ceux qui y croupissent depuis des années ou qui en sont sortis brisés et pour lesquels de toutes parts s'élève la réclamation d'une amnistie générale.

Nous sommes solidaires de ceux à qui la libération conditionnelle fait l'objet d'un chantage au silence et à la démission et qu'on remet au trou pour peu qu'ils aient exercé leur citoyenneté. Nous sommes solidaires de ceux dont la justice se souvient en appel, pour un rappel à l'ordre, celui de la soumission et de l'humiliation. Ainsi, particulièrement sommes-nous aux cotés de Féthi Chamkhi, porte-parole du RAID et Moncef Marzouki, ancien porte-parole du CNLT.

Notre solidarité va aussi à tous ceux qu'une liberté formelle empêche de circuler, ceux dont les résidences sont surveillées, ceux dont les pas sont mesurés, ceux qu'un exil intérieur fait de toutes les privations, porte à aller chercher ailleurs une condition moins douloureuse, moins indigne. Notre solidarité va ainsi à tous les exclus du passeport, particulièrement à Sadri Khiari qu'une rétention administrative empêche même d'exercer son droit au savoir. Elle va aussi à la petite Salsabil Bejaoui dont le père est en grève de la faim et à l'appel de laquelle il faut un coeur de pierre pour ne pas répondre. Elle va enfin à Hamma Hammami entré depuis des années dans la clandestinité sans pouvoir rejoindre les siens.

Il y a aussi les bannis, ceux que l'on maintient hors de leur pays sous peine d'embastillement à leur retour, comme si le terroir de tous rendu indépendant par une lutte collective pouvait être la propriété privée de quelques-uns ! Ainsi, nous nous associons particulièrement aux voix qui en appellent à un retour paisible et libre de Kamel Jendoubi, qui paie d'un ostracisme sa présidence pendant des années d'un comité pour la défense des libertés en Tunisie. Aussi nous tiendrons-nous aux cotés de Kamel Jendoubi, dès qu'il posera un premier pied dans son pays.

Photo Sihem Ben Sedrine


Enfin, à la veille d'un double anniversaire, celui de la République et de l'émancipation des femmes, notre solidarité sans réserves va à la féministe tunisienne qui démontre depuis des années ce que signifie être une femme libre, c'est-à-dire une citoyenne, en Tunisie. Sihem Ben Sedrine (photo)est en prison pour avoir révélé quelques secrets de polichinelle qui sont sur toutes les bouches en Tunisie. Attendue, après ces quelques mots, comme une terroriste à l'aéroport, conduite à l'instruction avec un cordon de sécurité destiné d'ordinaire aux poseurs de bombes, Sihem Ben Sedrine donne sa liberté en gage contre la promesse d'une meilleur qualité de vie citoyenne et d'une République démocratique, notre République à tous. De tous bords, lui vient une solidarité sans faille. Nous lui dédions ce numéro d'Alternatives citoyennes.

 

La rédaction
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