êter son indépendance a-t-il encore un sens aujourd'hui, en des temps de globalisation qui, sous couvert de
transcender des souverainismes étriqués ayant fait d'ailleurs la preuve de leur incurie, reconduit vassalités et
hégémonies ? Le XXe siècle aura été un siècle pour rien et le XXIe, universalisant les valeurs de la
démocratie libérale, accélère le redéploiement du capitalisme financier de l'Atlantique aux confins de l'Himalaya.
C'est l'endiguement du marché chinois que se donne pour objectif le « projet pour le nouveau siècle
américain », avec pour contrepoids stratégique le grand Moyen-Orient qui endosse les habits neufs du
« printemps arabe ».
Le 22 mars à Alger, au Sommet de la Ligue des États arabes, s'examinera cette extraordinaire alchimie du magicien
américain. Chacune des « 22 dictatures arabes » selon l'expression d'Antoine Sfeir, le nez sur son nombril
en calculera les pertes ou les profits, mais c'est aux sociétés civiles d'instrumentaliser au mieux de leurs
intérêts ce formidable levier. Appendicielle dans le grand jeu de George W. Bush, la Tunisie ne devrait pas voir de
sitôt une révolution des roses au pays du jasmin. Car, vue de la planète Mars, c'est-à-dire de l'ordre
militaro-technologique américain (et très accessoirement européen), elle n'est qu'une entité encore équilibrée, à
la pointe des valeurs de la modernité pour la région, besogneuse, enjouée et suffisamment disciplinée pour accepter
toutes les normalisations, voire pour en devancer la demande, devoir de révérence oblige envers le mentor
américain. Et l'on n'épiloguera pas sur la solidarité sécuritaire qui entraîne la Tunisie de Bruxelles à Munich, de
Paris (rencontre dans le cadre du Dialogue 5+5) à Madrid, à prêter son concours aux opérations de l'OTAN et à la
chasse aux terroristes.
Dans ce deal, pourtant, la démocratisation ne s'entreprend qu'à dosette homéopathique. Elle n'affleure même pas à
l'écume du SMSI qui piège ouvertement le régime de Ben Ali. Car, si de Hammamet à Genève la vitrine se soigne,
l'écran des PC reste opaque aux « sites introuvables ». Depuis la mort de Zouhair Yahyaoui, c'est à
visage découvert qu'une jeune cyberdissidence tient tête au pouvoir qui, le pauvre, à force de vouloir donner des
gages de bienséance internationale, glisse sur sa propre peau de banane et se démasque : avec l'invitation de
Sharon, voilà le retour du bâton !
Le combat pour les libertés n'est pas près de s'achever, il ne fait que commencer et la jeunesse en prend le
relais.
En tant qu'aînés, il nous appartient d'en protéger la prise de risques mais aussi d'en éviter, le cas échéant,
quelques débordements. Car ce que nous voulons d'abord c'est construire un État de droit et de dignité. Puis, en
opposition structurée, il nous revient aussi de développer la vision politique globale d'une Tunisie en 3 D.
Notre pays amorce en effet une récession. Au coeur de ce numéro d'Alternatives citoyennes,
l'économiste Abdeljelil Bedoui
tape dans le mille du libéralisme à la tunisienne : mal Développement, Démocratie infime et miettes de Droits
sociaux. À 50 ans (-1), quel piètre bilan à fêter !