Cette plate-forme est une initiative prise par un
groupe de figures du mouvement syndical tunisien,
attachées à l'UGTT, à son autonomie et au rôle
social et national qu'elle a toujours joué. Le
regroupement amorcé sur la base de l'analyse et des
positions exprimées dans cette plate-forme est d'ores
et déjà en train de s'élargir à des
syndicalistes de divers secteurs et diverses
régions.
Parmi les initiateurs de cette plate-forme :
Mohamed Chakroun, ancien Secrétaire
général de l'Union régionale de Tunis ; Salah
Zeghidi, ancien Secrétaire général de la Fédération des
Banques et Assurances ; Ali Ben Romdhane,
ancien membre du Bureau exécutif national ; Abdennour
Maddahi, ancien membre du Bureau exécutif
national ; Habib Guiza, ancien Secrétaire général de
l'Union régionale de Gabès ; Jounaïdi Abdeljaoued,
ancien Secrétaire général du Syndicat national de
l'Enseignement Supérieur ; Larbi Ben Larbi, ancien
Secrétaire général de la Fédération des Finances.
a crise que traverse l'UGTT n'est ni passagère, ni
légère. Il s'agit d'une crise profonde,
structurelle, fondamentale, il s'agit d'une crise
globale.
Elle a connu son point de départ au Congrès de Sousse
en 1989, après les accumulations internes et
les conséquences de l'offensive engagée par le pouvoir
contre l'UGTT dans la période 1984-1986.
Quant aux congrès suivants ceux de 1993 et de 1999, ils
ont constitué des étapes dans la
confirmation et l'aggravation de la crise entamée à
Sousse.
Notre conviction est qu'il ne peut être possible
d'envisager la sortie d'une telle crise sans un
diagnostic exact et précis des déviations qui ont
marqué l'évolution de l'UGTT au cours des 12
années écoulées.
Les constantes essentielles du mouvement syndical ont
été en réalité abandonnées et un autre cours
a été imposé à l'UGTT.
1. L'UGTT, organisation autonome, a été transformée en
organisation soumise qui a accepté
progressivement de s'intégrer dans l'appareil d'État,
dans ses programmes et ses orientations
essentielles. Ce nouveau cours a fait que l'UGTT a
abandonné deux de ses fonctions majeures :
a. Le rôle critique à l'égard des politiques
gouvernementales dans le domaine économique et social,
ce qui l'a privée de son statut de facteur d'équilibre
dans le pays.
b. Le rôle national en matière de défense des libertés
individuelles et publiques, de la démocratie et
des droits de l'homme. Ainsi, et alors que l'UGTT ne
doit être ni l'alliée politique du pouvoir ni son
adversaire politique, elle a été transformée en
appendice du pouvoir.
2. Ceux qui président aux destinées de l'UGTT depuis
1989 ont transformé les directions syndicales,
aux niveaux national, régional et sectoriel, de
structures composées de militants animateurs des luttes
sociales, en organes quasiment administratifs, gérés
par des « fonctionnaires syndicaux » totalement
bureaucratisés. Les relations entre les diverses
structures de l'UGTT ont progressivement perdu
leur caractère militant pour se transformer en
relations administratives obéissant à un système
hiérarchisé, fonctionnant sur la base de l'obéissance
et du respect des instructions et injonctions
venant d'en haut, exactement comme les choses se
passent dans une entreprise ou une
administration. Ce système a entraîné un super-pouvoir
absolu sans contrôle et sans limites du
Secrétaire général devenu une sorte de « patron de
droit divin » qui agit et décide comme il l'entend,
comme il est fréquent de le voir dans les entreprises
ou les administrations. Ce même système a
également eu pour conséquence que :
a. Le détachement syndical est devenu pour un grand
nombre de dirigeants et responsables
syndicaux une occasion d'obtenir des promotions à des
hauts postes fonctionnels hors de leur
entreprise d'origine, ce qui porte atteinte à
l'autonomie et la crédibilité de l'action syndicale.
b. Les salariés fonctionnaires de l'UGTT, plus
particulièrement ceux qui occupent des postes
importants, ont fini par avoir un pouvoir et une
influence que n'ont pas des responsables syndicaux, y
compris des membres du Bureau exécutif.
3. Ce nouveau cours imposé à l'UGTT et qui lui a fait
perdre son poids et son audience à l'échelle
nationale a en même temps terni considérablement
l'image de la Centrale syndicale dans les milieux
du syndicalisme mondial, au point que de très nombreux
dirigeants syndicalistes dans le monde sont
atterrés par la transformation de cette prestigieuse
Centrale en organisation soumise et inefficiente.
Face à la situation dans laquelle se débat notre
organisation syndicale, nous pensons qu'il est de
notre devoir de réaffirmer avec force notre
détermination à contribuer activement, avec tous les
syndicalistes sincères, à sortir de cette crise et à
rétablir la crédibilité et le prestige de notre UGTT.
Nous déclarons à cet effet ce qui suit :
1. Aucune reconstruction syndicale véritable ne peut
avoir lieu sans une rupture totale et radicale
avec les conceptions et les pratiques qui ont perverti
le syndicalisme depuis le congrès de Sousse,
portant gravement atteinte à son autonomie, à sa
fonction, à son positionnement social et national et
remettant en cause les règles de son fonctionnement, de
sa structuration, des relations entre les
structures syndicales et la direction, entre les
structures syndicales elles-mêmes. Cette
reconstruction devra bien entendu prendre en
considération les nouvelles données apparues au
cours de la décennie écoulée dans le domaine économique
et social, notamment les évolutions au
niveau de l'entreprise économique, des techniques de
gestion et de formation, la complexité des
problèmes de l'emploi, etc.
2. Le dépassement de la crise actuelle n'est pas
envisageable sans un bilan préalable de la
situation, sans déterminer les responsabilités de tous
ceux qui ont activement contribué à faire dévier
le mouvement syndical de ses constantes et de ses
principes et à transformer l'UGTT en une
organisation soumise, inefficiente et discréditée à la
fois à l'intérieur du pays et à l'extérieur.
3. Ce n'est pas à travers un Conseil national et un
Congrès extraordinaire organisé et tenu sous la
direction des dirigeants actuels que les syndicalistes
pourraient reconstruire l'UGTT en restaurant
son autonomie et sa crédibilité, les dirigeants actuels
ne pouvant que « clôner » les deux congrès de
1993 et 1999 qui leur ont permis de concrétiser et de
consolider le cours de la déviation, de la
soumission et de l'inefficience.
4. Seule la création d'une Commission syndicale, dont
les parties syndicales conviendront de la
composition, pourra ouvrir la voie à un véritable
renouveau de l'UGTT.
Nous lançons un appel à tous les syndicalistes fidèles
à la cause syndicale, à l'histoire de l'UGTT, à
ses martyrs et à ses symboles pour que nous tous, dans
le cadre de l'UGTT, de l'intérieur et de
l'extérieur des structures syndicales dans leur
composition actuelle, nous prenions nos
responsabilités en élevant publiquement notre voix,
avec audace et détermination, dans cette bataille
syndicale historique dont l'objectif est de restaurer
l'autonomie de l'UGTT, son audience, sa
représentativité, sa crédibilité, son esprit militant.
Pour cela, il convient d'ouvrir un large débat autour
de la situation de la Centrale syndicale, sur les voies
qui permettent sa reconstruction sur la base de
nos constantes et de nos principes et de toutes les
exigences de la lutte syndicale démocratique,
notamment la sauvegarde de l'unité du mouvement
syndical.