Alternatives citoyennes Numéro 5 - 23 novembre 2001
des Tunisiens, ici et ailleurs, pour rebâtir ensemble un avenir
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Honneur, dons et présents

 

Une des préoccupations essentielles du législateur en matière de marchés publics est de garantir la transparence de la passation de ces marchés et de prévenir tout acte tendant à en orienter l'attribution. Les textes réglementaires [1] régissant cette matière en Tunisie sont amendés fréquemment vers une plus grande fermeté. Un de ces amendements [2] mérite une attention particulière dans la mesure où il introduit une nouvelle pièce à fournir par les soumissionnaires, qui consiste en une « simple » déclaration sur l'honneur comportant leur confirmation de n'avoir pas fait, et leur engagement de ne pas faire, par eux-mêmes ou par personne interposée, des promesses, des dons ou des présents en vue d'influer sur les différentes procédures de conclusion d'un marché et les étapes de sa réalisation.

S'il est vrai que l'énoncé a pour avantage de donner aux pots-de-vin une formulation très pachtoune, il n'en demeure pas moins vrai qu'il est scandaleux à plusieurs titres.

D'abord parce qu'il s'agit d'un aveu délibéré d'une corruption institutionnelle et surtout parce qu'il est porté atteinte à la dignité de corporations : entreprises de BTP ou autres, architectes, ingénieurs qui se trouvent amenés à attester sur l'honneur qu'ils ne sont pas mal intentionnés. Cela valait bien la peine pour certains de s'embarasser de codes de déontologie pour l'exercice de leur profession.

Pire, c'est une primeur juridique que de condamner l'intention, parce qu'une promesse en est une. Comment vérifier qu'une promesse a été faite, et surtout si elle a été tenue ? Allez savoir...

L'amendement en question préconise la résiliation du marché si les dons ou présents sont avérés ; c'est bien peu par rapport à la panoplie de mesures coercitives prévues par le code pénal dans le cas d'espèce : en l'occurrence la corruption.

Aucune corporation ou ordre n'a émis la moindre réserve sur le texte, nous devons donc voir le mal là où il n'est pas. Un entrepreneur, questionné sur l'affaire, a dit « qui peut le plus peut le moins ». Qui pratique les pots-de-vin ne s'embarasse pas de signer une déclaration sur l'honneur qu'il est blanc comme neige.

Depuis l'avènement de ce texte, tout va pour le mieux question transparence.

De grandes entreprises spécialisées ont été évincées d'un appel d'offre pour la réalisation d'une importante station d'épuration, au profit d'une petite entreprise pour laquelle on a retenu comme référence d'ouvrages hydrauliques similaires des piscines d'hôtel. Sa véritable référence a été de s'associer à un contrat de construction d'un logement sur les collines de Gammarth, avec station de pompage, cette fois d'eau de de mer, pour une piscine privée. La station étant bien sûr construite sur le domaine public maritime. Si vous êtes intéressés par le nom du propriétaire, consultez la liste des anciens hauts responsables de l'Environnement. Le marché de la station d'épuration a été réalisé en quatre ans, au lieu de seize mois, tout le monde semble satisfait sauf l'entreprise en question qui est en liquidation.

Les grands projets font l'objet de concours d'architecture où les projets primés par le jury ne sont pas les projets retenus. Le dernier projet en date est la cité de la culture, qui a été attribué d'une manière rocambolesque à un auteur dont un des projets d'hôtellerie - excellent au demeurant - est en contentieux pour plagiat par un promoteur touristique espagnol.

À propos de plagiat, un projet symbole de tour, construit récemment et siège du RCD, est quasiment une réplique d'une tour édifiée dans un État du Golfe. Une ironie du sort a fait que l'inauguration du siège du RCD a eu lieu à un jour près de l'ouverture de la Conférence islamique dans le pays du Golfe sus-cité. Nous avons eu droit à d'amples reportages sur les deux évènements, où l'on se rendait parfaitement compte de la gémellité des deux tours, si vous nous passez l'expression. Ce projet est évidemment lauréat d'un concours national d'architecture.

Pour finir, ajoutons que quelques architectes et ingénieurs qui se respectent ont refusé de produire la fameuse déclaration sur l'honneur tout en participant aux appels à la concurrence ; le geste a été beaucoup apprécié par l'admnistration, car hautement symbolique, et cela fait surtout moins de concurrents à éliminer.

[1] Décret 89/442 du 22-04-89 portant réglementation des marchés publics.
[2] Décret 99/2013 du 13-09-99.

 

Un citoyen
Tunis.
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