La rédaction
Au Niger, aux confins de l'Algérie, dans un immense espace semi désertique, traversé par le fleuve Niger, par les
escouades du GSPC (Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat, ayant ses bases arrières dans le maquis
algérien où il a pris le relais du GIA) et par une sourde compétition américano-française autour des poches de
pétrole et du minerai d'uranium, une coalition contre la vie chère mène la vie dure au gouvernement nigérien. Ce
pays, qui eût pu être un pays presque émergent, est un des plus pauvres au monde et selon le PAM (Programme
Alimentaire Mondial), un des pays de faim endémique. Les règles dures d'ajustement imposées par le FMI et la Banque
Mondiale au début de la décennie 90 ne le cèdent en impacts désastreux qu'aux nuées de criquets qui, ces derniers
mois surtout, de manière récurrente, ravagent les récoltes céréalières.
La corruption est un autre fléau et chacun tire comme il le peut son épingle du jeu dans un commerce informel
échappant évidemment à toute fiscalité. On considère que cette dernière ne rapporte que 15% des prélèvements
attendus. Aussi, le gouvernement n'a-t-il eu d'autres ressources pour renflouer un trésor vidé comme le tonneau des
Danaïdes, que d'imposer une TVA de 19% sur un certain nombre de produits de consommation courante, parmi lesquels
le mil, le sucre, l'électricité et l'eau. Voilà qui a mis le feu aux poudres depuis la mi-mars où une coalition
contre la vie chère a fait descendre plus de 100.000 personnes dans les rues de la capitale Niamey, manifestations
étendues ensuite au reste du pays.
Ce mouvement revendicatif contre la loi de Finances 2005, centrée sur la manne de la TVA, est un mouvement
démocratique formé par un collectif de syndicats de travailleurs et d'associations de consommateurs. Ses leaders en
sont souvent d'anciens chefs du mouvement étudiant qui, au début des années 1990, en finirent avec une dictature
militaire. Depuis, le Niger connaît une toute relative vie démocratique que prouve le dynamisme de médias
indépendants, presse et radios libres, ainsi que de nombreux syndicats et associations, toute une société civile
qui se démarque des partis politiques et a pris l'initiative d'un « Mouvement du 22 mars ».
La classe politique, marquée par des postures de nomenklatura affairiste et motivée par des appartenances claniques
ou clientélistes, a failli, et la relève se trouve assurée par ce mouvement d'ONG soutenu par des fondations
étrangères. Leur travail de terrain dans la proximité des préoccupations sociales des citoyens est très
mobilisateur. Il endosse les revendications sociales d'une population à qui sont distribués très parcimonieusement
et chèrement eau, électricité, santé, éducation et, bien sûr, produits alimentaires de première nécessité. Le
pouvoir d'achat est donc au coeur du nouveau discours politique et la coalition menée par l'association
Croisades et le groupe de médias Alternatives-espace citoyen, s'intitule logiquement
Coalition contre la vie chère.
À la suite d'appels à des manifestations pour le 30 mars et le 5 avril, 5 leaders ont été arrêtés et traduits en
justice pour « complot contre la sûreté de l'État » et « manifestations non armées »,
l'occupation des rues étant resté pacifique. Des prières ont accompagné ce désordre, aggravant les chefs
d'inculpation, ce qu'un avocat de la défense commente ironiquement : « l'appel à la prière n'est pas un
délit inscrit dans le droit pénal ! ». Le Niger est un pays musulman où vivent également des minorités
chrétiennes, mais ce n'est pas sur des bases confessionnelles que milite cette coalition contre la vie chère. Aussi
la pression populaire unanime s'est poursuivie jusqu'à la libération des chefs de ce mouvement social, puis
l'obtention de négociation avec le pouvoir.
Après des atermoiements, le gouvernement a reculé jusqu'à retirer totalement son projet de TVA et une nouvelle loi
de Finances va être promulguée. Il apparaît toutefois que la coalition contre la vie chère ne s'arrêtera pas là,
attachée à promouvoir une lutte politique où la défense des droits humains ne se confond pas avec le seul combat
électoral, plateforme réductrice des oppositions libérales, telles qu'elles s'affichent ailleurs, notamment en
Tunisie.
Voilà le véritable enjeu démocratique !