ne revue scientifique de haut niveau, dont la réputation est établie parmi les spécialistes
à travers le monde entier, peut-elle se permettre de publier un article dûment vérifié et
ensuite se rétracter en allant même jusqu'à conseiller aux bibliothèques qui ont déjà reçu
le numéro d'en retirer et détruire l'article incriminé, et même jusqu'à exclure son auteur
de son comité scientifique ?
Aussi bizarre que cela puisse paraître, c'est pourtant la mésaventure qui est arrivée au professeur Antonio Arnaïz-Villena, de l'Universidad Complutense de Madrid, avec la revue
Human Immunology publiée par l'American Society of Histocompatibility and Immugenetics, mésaventure relatée par l'Observer de Londres du 25 novembre dernier. L'auteur, qui avait déjà publié une douzaine d'articles dans cette même revue ainsi que des centaines d'autres dans des revues de grand renom telles que Science et Nature n'en revient pas. Qu'est-ce qui a bien pu causer une telle rage, inhabituelle dans les revues académiques ? Le professeur Nicole Sucio-Fico, de l'Université de Columbia (New York) et responsable éditoriale de la revue a déclaré que l'article en question a provoqué dans les milieux scientifiques influents une telle vague de protestations à cause de son contenu politique « extrême » à propos du conflit israélo-palestinien qu'elle a été obligée de le renier et de sanctionner son auteur...
Pourquoi donc l'article a-t-il été jugé « politiquement incorrect » ? Intitulé « L'origine
des Palestiniens et leur relation génétique avec les autres populations méditerranéennes »,
il propose une étude des variations dans les gènes du système immunitaire chez les peuples
du Moyen-Orient, étude dont il ressort qu'aucune donnée scientifique ne corrobore l'idée que
les Juifs originaires de la région pussent constituer « une race à part » ou un « peuple élu » ou que le judaïsme puisse être quelque chose d'héréditaire. Tout indique au contraire, selon l'article, que ces Juifs et les Arabes palestiniens ont en commun un ensemble de gènes qui les différencient par exemple des Juifs d'origine européenne, et doivent être considérés
comme étroitement apparentés. Le conflit qui les opposent aujourd'hui, conclut-il, est donc
fondé sur des différences qui sont de nature culturelle, religieuse et politique mais en
aucun cas génétique ou « raciale »...
Selon toute vraisemblance, c'est parce qu'il va à l'encontre de l'idéologie et de la
mythologie sionistes que cet article s'est attiré les foudres du lobby influent dans la
Société américaine d'immunogénétique. C'est en effet une conclusion extrêmement gênante pour
une propagande fondée sur l'exception biologique des Juifs et sur l'unité raciale proclamée
des Sépharades, des Ashkénazes, etc., et qui répète à satiété que les Palestiniens seraient
des « immigrés » installés à une époque historiquement récente sur la « Terre d'Israël » prétendue ancestrale. Quant au reproche d'extrémisme politique qui est adressé à son auteur, il semble dû au fait qu'il s'est référé aux habitants des villages israéliens installés dans
la bande de Gaza comme à des colonists (colons) et aux Palestiniens comme vivant dans
des sortes de « camps de concentration ». Interrogé par la presse, il reconnaît qu'il aurait
peut-être dû appeler les uns settlers et parler des autres comme vivant dans des « camps de réfugiés », mais, ajoute-t-il : « franchement, où est la différence ? ».
Un des nombreux chercheurs qui ont exprimé leur solidarité avec Arnaïz a déclaré : « Si
l'auteur avait trouvé la preuve que le peuple juif était un peuple spécial et non un peuple
ordinaire comme les autres, on peut être sûr que personne n'aurait fait d'objection contre
certaines expressions utilisées par lui. C'est une bien triste affaire ! ». Beaucoup d'autres savants ont exprimé leur désapprobation de cet acte drastique d'autocensure auquel s'est
livrée Human Immunology ; ils y ont vu un grave précédent susceptible de normaliser la censure de travaux scientifiques pour raison de non conformité aux dogmes de la Bible ou aux mythes fondateurs de l'État sioniste ou encore à tout autre mythe de caractère politique adossé à quelque religion que ce soit.
« Journal axes gene research on Jews and Palestinians ». Robin McKie, science editor. The Observer, Sunday November 25, 2001.