a communauté des Juifs tunisiens en France, familièrement appelés Tunes, s'est
récemment [cf. Réalités du 17 janvier 2002] émue d'une métaphore d'un lecteur tunisien comparant à un « virus » l'État (fabriqué il y a cinquante ans) d'Israël et non pas les Juifs citoyens israéliens de même
confession et de provenance diverse - les Tunes étant eux-mêmes tunisiens et aujourd'hui français - et même pas le « peuple d'Israël » tel que l'ont fabriqué les autorités sionistes sur des fondements plus religieux que nationaux.
Le plus pro-palestinien de nos concitoyens, le doyen des militants démocrates laïques, Georges
Adda, est le plus ardent et le plus rigoureux à crever ces notions sans épaisseur historique :
« Le peuple juif n'existe pas » se plaît-il à répéter. Libre pourtant aux Tunes de se sentir
quelque chose à voir avec « le peuple juif » ou avec « le peuple d'Israël ». Un certain nombre
d'entre eux, nos camarades de jeunesse militante, de même culture et de mêmes références,
s'engagent résolument dans la dénonciation des atrocités commises par l'État israélien, minant
définitivement l'ombre d'un processus de paix et nous répercutons leurs pétitions dans nos
publications [cf. Alternatives citoyennes numéro 1].
C'est aux autres que nous recommandons - ainsi que nous le faisons nous-mêmes de temps à
autre - la lecture de la presse israélienne.
Voici d'abord ce que réclamait, il y a quelques jours, sans qu'aucun lecteur d'Israël ou
d'ailleurs ne proteste, une rédactrice du quotidien israélien de la communauté russe d'Israël, le
journal Novosti : « pour faire reculer le terrorisme, il faut procéder à la castration des israéliens
arabes, accorder une prime aux jeunes arabes qui se prêteraient à cette opération, et pratiquer
sur les Arabes israéliens un malthusianisme tel qu'ils ne sauraient avoir plus d'un enfant par
couple » !
Regretté après sa publication par le directeur du journal, le texte était pourtant passé comme
une lettre à la poste, revisité seulement dans son orthographe.
Il y a sur Internet aussi des propos scandaleux dont la provenance est difficile à cerner. Un site
entier proposait, images à l'appui, avec des références publicitaires, de broyer des palestiniens
en chair à pâté pour chiens.
Les sites racistes sur Internet peuvent être bouclés, on l'aura vu avec des sites nazis. Mais il y
a plus facile à porter devant la justice : ainsi nous rappelons les vomissures de l'écrivain à
succès, parce qu'écrivain à scandales, Michel Houellebecq, exprimant son euphorie dès qu'une
femme enceinte palestinienne est crevée, et j'en passe. On n'aura pas vu beaucoup de Tunes
s'émouvoir de tout cela, ni du scandale quotidien de ces massacres de Palestiniens qui
confinent déjà « aux crimes contre l'humanité ».
C'est un sociologue israélien qui les dénonçait comme tels, il y a quelques mois, dans le
grand quotidien israélien Ha'aretz : « Chacune des actions d'Israël frôle le crime de guerre »,
écrivait-t-il [cf. Alternatives citoyennes numéro 6], mais tout son plaidoyer à donner le frisson protestait contre le cynisme et la
cruauté. Plus proche de nous, voici la superbe lettre ouverte de Gédéon Lévi, éditorialiste
occasionnel du même grand quotidien, équivalent du Monde en Israël. Cette lettre est un cri
contre le carnage, adressé par delà Shimon Pérès (elle s'intitule « Dis la vérité Shimon ! ») à
toute la classe politique et intellectuelle israélienne.
L'ancien collaborateur de Shimon Pérès, dénonciateur courageux du « gouvernement de
crimes » auquel Pérès appartient interpelle le ministre travailliste sur « son silence et son
inaction, qui ne peuvent plus être justifiés par aucune excuse », tant Pérès est associé à « un
gouvernement qui a les mains pleines de sang, qui se consacre au meurtre et à l'humiliation ».
Gédéon Lévi l'accuse aussi de porter la responsabilité des meurtres de personnalités politiques
palestiniennes, de démolitions de maisons, du saccage de l'infrastructure et de la voix de la
Palestine, « toutes actions qui ne peuvent être considérées que comme des crimes de guerre ».
Puis, dans un réquisitoire contre le malheur fait aux palestiniens, G. Lévi parle à Pérès des « femmes en plein travail d'accouchement qui ne peuvent arriver à l'hôpital à cause de la cruauté
de l'IDF [police israélienne]... dont les bébés meurent après la délivrance, des cancéreux
empêchés d'arriver en Jordanie pour leur traitement, des hôpitaux de Bethléem bombardés par
l'IDF, des patients de dialyse dans leurs tentatives désespérées d'atteindre les machines dont
leurs vies dépendent... des patients auxquels est refusé le traitement à cause de la fermeture
délibérée des hôpitaux, et des ambulances arrêtées par le contrôle... des gens qui meurent à la
maison parce qu'ils n'ont pas osé s'approcher des points de contrôle, bardés de contrôle
menaçants même pour celui qui est au seuil de la mort... »
Au terme d'une description bouleversante, G. Lévi dénonce « l'emprisonnement depuis plus
d'un an d'une population entière avec un degré de cruauté sans précédent dans l'histoire de
l'occupation israélienne. Votre gouvernement [celui de Sharon et Pérès] écrase trois millions de
personnes ne laissant pas le moindre semblant de vie normale, pas de marché, pas de travail,
pas d'écoles, pas de visite, rien, pas l'ombre d'une possibilité de départ vers quelque
destination, pas de retour non plus »... Et une nation toute entière ayant eu son « lot de
souffrance » ne veut plus - comme le peuple israélien - « qu'un peu de calme, de sécurité et
une infime miette de fierté nationale ». Il avertit que chaque palestinien se réveille chaque matin
« face à un abîme de désespoir ». Il soutient que le gouvernement israélien
sabote toutes les initiatives de paix et exploite « l'idiote cécité internationale de l'après 11
septembre pour se conduire à sa guise ».
Après avoir mis à nu la duplicité de Shimon Pérès, le commentateur annonce qu'« un désastre
épouvantable est en route et un grand vent malade souffle et réduit tout à néant ». Dans ce
cataclysme programmé, l'ancien collaborateur de Pérès accuse l'administration américaine
« prédatrice sans le moindre contre-pouvoir dans le monde et qui laisse Israël faire comme il lui
plaît... ».
Dans un crescendo digne d'une tragédie - s'il ne rendait compte d'une sinistre réalité -,
l'auteur de ce réquisitoire contre un système de domination infâme, avertit : « Ce sont là des
temps horribles, mais le pire est à venir... Toutes les injustices et le mal commis contre les
Palestiniens finiront par nous exploser à la face. Un peuple violenté pendant tant d'années
éclatera un jour dans une fureur terrible. Le temps est court, nous sommes debout au bord de
l'abîme ».