Alternatives citoyennes Numéro 5 - 23 novembre 2001
des Tunisiens, ici et ailleurs, pour rebâtir ensemble un avenir
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UGET : un « aggiornamento » prometteur

 

Les dernières élections le 1er novembre des représentants des étudiants aux Conseils Scientifiques des Facultés et Instituts Supérieurs ont été marquées par des incidents violents dans certaines institutions universitaires. À la Faculté de la Manouba (banlieue de Tunis), à Monastir, au Campus Universitaire à Tunis, et notamment à la Faculté de Droit à Sousse, les étudiants de « l'Organisation des Étudiants du RCD » (OERCD) n'y sont pas allés de main morte. Des commandos armés de bâtons, de chaînes « surveillent » les élections, font pression sur les étudiant(e)s, avec l'appoint précieux des vigiles (police universitaire) et, dans certains endroits, de la police politique présente sur les lieux, à l'intérieur des locaux universitaires et prêtant main forte aux étudiants du RCD, comme cela a été enregistré à la Faculté des Lettres de Sfax.

Il faut dire que Hassouna Nasfi, Secrétaire général de l'OERCD avait annoncé la couleur dans les jours qui ont précédé les élections, en déclarant à un hebdomadaire que son organisation s'apprêtait à « déloger l'UGET » des Facultés où elle avait emporté les élections l'an dernier. Il est clair que les violences exercées à la Faculté de la Manouba, y compris contre un enseignant et un employé de la Faculté chargés des opérations de vote, de même que la très grave agression dont a été victime à Monastir l'étudiant militant de l'UGET Sassi Ghabi, hospitalisé d'urgence et resté dans le coma durant plus de 48 heures, ces violences et ces agressions ont montré avec éclat « le style particulier » des étudiants du RCD lorsqu'ils décident de « déloger l'UGET ».

L'UGET a bien entendu dénoncé avec force ces agissements inadmissibles. Dans une interview à l'hebdomadaire Réalités daté du 8 novembre, Ezzedine Zaatour, Secrétaire général de l'UGET demande au ministère de l'Enseignement Supérieur de « prendre ses responsabilités en prenant les mesures propres à mettre fin aux violences et aux agressions des étudiants du RCD ». Il appelle à « l'ouverture de poursuites judiciaires contre les auteurs d'actes de violence ». La Commission administrative de l'UGET, réunie le 10 novembre, a fustigé dans sa résolution finale « la vague de violence, d'agressions, de harcèlement et de persécution dont sont victimes les militants et responsables de l'UGET, notamment à l'occasion des élections universitaires du 1er novembre ».

La Commission administrative a appelé l'ensemble des étudiants à une grève nationale de protestation le 16 novembre 2001, qui coïncide avec la Journée internationale des étudiants. Notons que le Syndicat de base à la Faculté de la Manouba du Syndicat National de l'Enseignement Supérieur a publié un communiqué condamnant fermement les violences et agressions ayant marqué les élections du 1er novembre dans cette Faculté. Par ailleurs, le 5 novembre, la Ligue tunisienne des droits de l'homme, l'Association des femmes démocrates et l'Association tunisienne des jeunes avocats ont publié un communiqué commun (après celui de la LTDH en date du 2 novembre) dans lequel elles dénoncent les agissements des étudiants destouriens, de la police universitaire et des forces de l'ordre. Elles soulignent que « le recours à la violence est une tentative vaine de freiner la présence de plus en plus marquée de l'UGET dans les élections et au sein des Établissements supérieurs ». Les trois associations soulignent, outre le rôle d'appoint joué par la police, la gravité de l'intervention dans les Facultés d'éléments non étudiants du RCD, comme cela a été le cas à Gafsa.

Ceci dit, dans les Facultés où il y avait des listes concurrentes UGET-OERCD, l'UGET a raflé près d'une cinquantaine de sièges, contre moins d'une trentaine pour les étudiants RCD, sans compter que dans deux Facultés (la Manouba et le Campus Droit) les élections ont été arrêtées, précisément pour empêcher le succès de l'UGET dans ces deux Facultés qui sont des bastions du syndicalisme étudiant.

Ainsi donc, face aux militants d'une UGET revigorée, plus présente, plus dynamique, plus entreprenante, les étudiants du RCD ont « mis le paquet ». Ils ont eu recours à la violence et ont agi comme si les Facultés devaient être leurs chasses gardées, à l'image de leur parti qui n'arrive pas à admettre l'idée même d'un véritable pluralisme dans le pays.

Mais en réalité, ce qui retient l'attention des observateurs de la vie politique et sociale, c'est le renouveau que connaît l'UGET depuis plusieurs mois. En réalité, le tournant a commencé en février 1997, au 23ème Congrès national, dans des conditions difficiles, sur la base d'un consensus qui s'est très vite avéré extrêmement artificiel et fragile. La ligne défendant la réhabilitation d'une UGET connue comme une organisation de masse des étudiants, de caractère syndical et démocratique, tenant sa place d'une façon autonome sur la scène universitaire et sur la scène nationale, dans le cadre du mouvement associatif indépendant, cette ligne qui rompait avec un passé d'enfermement et de radicalisme d'isolement, allait faire son chemin. Au 24ème Congrès en avril 2000, c'est cette ligne qui triomphe, malgré l'enclume des autorités et le marteau de ceux qui continuaient à vouloir maintenir cette conception bizarroïde et destructrice d'une UGET « gâteau à monopoliser et à partager entre les sensibilités de l'extrême gauche, ou prétendue telle, à l'université ».

Au cours des 18 mois écoulés depuis le 24ème Congrès, des progrès très nets ont été réalisés. La jeune direction qui fait feu de tout bois pour rattraper le temps perdu, ne cesse d'assurer une présence chaque jour plus nette de l'UGET dans les Instituts de l'Enseignement Supérieur. L'UGET s'est imposée dans des Facultés de création récente : à Gafsa, à Bizerte, à Jendouba. Il reste beaucoup à faire, notamment dans les petits Instituts, les Écoles Supérieures, les Facultés de Médecine, Pharmacie, Dentaire. La jeune direction de l'UGET a réussi également à élargir le consensus étudiant, et dans ce sens, le Conseil national de l'UGET tenu cet été a été d'une extrême utilité.

L'UGET s'est imposée par ailleurs comme interlocuteur incontournable du ministère de l'Enseignement, même si les relations ministère-UGET mériteraient d'être plus constantes, mieux organisées. Enfin, l'UGET a réussi a occuper sa place, toute sa place, au sein du mouvement associatif, dans le cadre de « l'Inter-Associatif » créé en 1998 à l'initiative de la LTDH.

S'il reste beaucoup à faire, le chemin parcouru est remarquable, quand on se rappelle qu'il y a quatre ou cinq ans seulement, nombreux étaient ceux qui craignaient pour l'existence même de l'UGET.

 

Salah Zeghidi
Syndicaliste. Tunis.
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