Alternatives citoyennes Numéro 2 - 31 mai 2001
des Tunisiens, ici et ailleurs, pour rebâtir ensemble un avenir
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Théâtre et argent public : affaire Jebali ou affaire Adel Limam ?

 

Le petit monde tunisien du théâtre en est tout bouleversé. Le quatrième art, lui aussi, en viendrait-il à être entaché par une suspicion de gestion douteuse de l'argent public ?

À l'origine, il y a une interview de l'homme de théâtre, Tawfik Jebali, directeur de la compagnie El Theatro qui gère aussi l'espace de représentations et la galerie du même nom. Producteur, metteur en scène et comédien, Tawfik Jebali fit, entre autres créations, le bonheur des spectateurs et la saveur des nuits ramadanesques : dix créations successives de Klem El-lil ont offert tout à la fois, le plaisir du langage et l'art d'une satire parfois si insolente que la censure dut s'en mêler. Mais Tawfik Jebali a aussi produit récemment Othello et Le Fou de Gibrane. Sa notoriété le porte à des représentations applaudies dans le monde arabe, en Europe et jusqu'en Amérique latine.

Ce n'est évidemment pas la première interview à laquelle Tawfik Jebali répond. Il y explique notamment en quoi il est un homme de théâtre engagé dans les combats contemporains. Qu'est-ce qui vaut donc à cette interview de se transformer en une « affaire » Jebali ? L'homme du théâtre s'y plaint d'une restriction de ses droits de créateur, du fait des formes de pénalisation dont serait coupable le ministre de la Culture. Il s'agit d'abord de parcimonie en matière de subventions. Tawfik Jebali affirme qu'il n'a reçu que 15 000 Dinars en guise de prime à la création pour l'an passé.

Cette déploration par des hommes de culture de l'avarice du ministère à l'égard de la création culturelle n'est pas nouvelle. Une quinzaine de jours plus tôt, sur les ondes de la radio nationale, les directrices de troupes de danse et de l'ex-ballet national ne ménageaient pas, non plus, leurs accusations, sans pour autant subir les foudres du ministère. Mais voilà que Tawfik Jebali met en rapport les maigres subventions avec la générosité (300 000 Dinars), offerte à la compagnie Adel Limam pour quelques représentations de sa pièce Bodyguard, dont un certain nombre de personnes de qualité et de goût déplorent la médiocrité. Pourquoi donc un cachet aussi prodigue à Adel Limam ? Tout est là, en fait.

Dans une réponse menaçante (Es-Sabah du 19 mai), le ministère de la Culture, par la plume de son directeur de l'information, demande des comptes à Tawfik Jebali. Il prétend que ce dernier aurait reçu une somme plusieurs fois supérieure à celle déclarée (15 000 Dinars), ce que récuse Tawfik Jebali qui dénonce le mélange des comptes entre primes réelles à la création, achat de représentations théâtrales et de tableaux (de la galerie El Theatro). Mais, au-delà de cette comptabilité dont le ministère de la Culture insinue qu'il pourrait en demander des justifications à Tawfik Jebali, l'autorité gouvernementale se défend d'avoir payé le spectacle Limam avec l'enveloppe budgétaire allouée au théâtre. Une commission des festivités du millénium (?) aurait financé cette importation théâtrale.

Tawfik Jebali n'enfonce pas le clou à ce sujet. Dommage, car on aurait aimé en savoir davantage, mais il mettra en cause les officiels de la Culture à propos de leur diffusion de la médiocrité et de l'inesthétique. En matière de culture aussi le citoyen est en droit de savoir comment se distribuent les deniers publics.

 

C. Fourati
Tunis.
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