Alternatives citoyennes Numéro 2 - 31 mai 2001
des Tunisiens, ici et ailleurs, pour rebâtir ensemble un avenir
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Peut-on parler d'une amélioration des droits de l'homme en Tunisie ?

 

LPhoto Radhia Nasraouia situation des droits de l'homme est loin de s'améliorer en Tunisie. S'il est vrai que trois détenus ont été libérés au mois de mai, Me Néjib Hosni, avocat, défenseur des droits de l'homme, Haroun Haj M'barek (condamné le 9 mars 2001 à trois ans de prison ferme pour appartenance à une association de malfaiteur, Ennahda) et Bechir Abid (ancien membre du Bureau exécutif de l'Union générale des étudiants de Tunisie (UGET), condamné en juillet 1999 à un an et demi de prison ferme pour appartenance au Parti communiste des ouvriers de Tunisie - PCOT, parti interdit). Il est vrai aussi que des centaines de détenus continuent de purger des peines lourdes dans les prisons tunisiennes pour les délits d'opinion. Certains d'entre eux ont été obligés de faire des grèves de la faim pour protester contre leur incarcération, mais aussi pour demander l'amélioration de leurs conditions de détention.

Pour ne citer que ce cas, Abdelhatif Bouhajila est en grève depuis le 5 mai 2001. Il demande de regagner la prison civile de Tunis, ses conditions à la prison de Borj Erroumi étant encore plus dures : asthmatique et souffrant de crises néphrétiques dans une cellule où les prisonniers sont nombreux à fumer, il dort à même le sol. Ses parents l'ont visité le mardi 22 mai. Il était déjà très affaibli. Depuis, la visite est interdite. La vie d'Abdelatif Bouhajila, qui a déjà observé une grève de la faim de plus de 90 jours, il y a quelques mois, pourrait être actuellement en danger.

L'attitude de l'administration pénitentiaire a-t-elle changé vis-à-vis des prisonniers depuis la création de l'institution du juge d'application des peines ? Les avocats ont continué à demander en vain des permis pour visiter certains détenus. Ce droit élémentaire du prisonnier est toujours laissé à l'entière discrétion de l'administration pénitentiaire. Les mauvais traitements ont-ils cessé dans les prisons tunisiennes qu'il s'agisse de prisonniers politiques ou de prisonniers de droit commun ? N'a-t-on pas enregistré plusieurs cas de mort suspecte ces derniers mois (Abderrahmane Jhinaoui, mars 2001, prison de Borj el Amri, Hassen Azouzi, 12 mai 2001, prison de Tunis, Belgacem Yagoubi, 23 avril 2001, prison de Tunis) ? Les policiers et les gardiens de prison continuent de bénéficier d'une impunité quasi totale.

Peut-on parler d'une amélioration des droits de l'homme alors que des centaines de Tunisiens sont toujours contraints à l'exil ? Peut-on parler d'une amélioration au niveau des droits de l'homme alors que des opposants comme Hamma Hammami (porte-parole du parti communiste des ouvriers de Tunisie et directeur du journal interdit Al Badil) et ses camarades Ammar Amrouma, Abdeljabbar Maddouri et Samir Taamallah continuent depuis plus de trois ans à vivre en clandestinité ? Condamnés à des peines de plus de neuf ans pour délits d'opinion, ils ont été contraints de vivre loin de leurs épouses, de leurs enfants et de leurs parents pour continuer leur combat pour la démocratie et le progrès. Ils refusent de se rendre à une « justice » qui se fonderait sur des aveux extorqués.

Peut-on parler d'amélioration de la situation des droits de l'homme en Tunisie alors que les quelques mesures de libération ne concernent que les cas les plus médiatisés, les détenus les plus soutenus par le mouvement des droits de l'homme en Tunisie et dans le monde ? De plus, ces mesures ne seraient-elles pas liées à une visite officielle du ministre français de la Coopération ?

 

Radhia Nasraoui
Avocate. Tunis.
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