a circonscription de Ben Arous, le pôle économique et social qui se confond avec elle, est la topographe idéale
pour une candidature électorale. L'Initiative démocratique (ID) y présente une de ses tendances les plus
jeunes, les plus fraîches, les plus ardentes, celle du mouvement des Communistes démocrates issu du PCOT (actuel
parti de Hamma Hammami) et qui se trouve dirigée par un ex « frère d'armes » de Hamma, à savoir par Mohamed
Kilani.
Les routes des deux anciens camarades ont divergé et autant Hamma Hammami reste dans la radicalité, autant Mohamed
Kilani lui préfère désormais la démocratie participative et réformatrice associée à la loi des urnes, seule façon à
ses yeux d'amorcer des mutations pacifiques.
Privé de ses droits civils et politiques du fait de condamnations pour ses opinions, Mohamed Kilani, avec son
mouvement, a proposé au conseil de l'Initiative démocratique une autre tête de liste sur Ben Arous,
Taoufik Chamakh, accompagné d'autres militants et militantes puisque une femme enseignante fait partie de ce
premier rang qui va monter à l'assaut d'une circonscription convoitée.
Cette région de Ben Arous rayonne en effet sur plusieurs localités, dont certaines sont à vocation agricole, comme
Le Mornag ou Naassen qui pratiquent une agriculture de pointe dans le cadre de sociétés de mise en valeur destinant
à l'exportation arboriculture et vigne. Mais c'est à l'évidence une zone industrielle de chimie traditionnelle mais
aussi plus fine (parfums) et de haute technologie notamment pharmaceutique, sans parler de l'inévitable Coca-Cola.
D'autres unités de mécanique ou textile contribuent à encadrer un salariat vif, conscient des menaces pesant sur sa
condition (démantèlement des accords multifibres sur le textile, recul de la couverture sociale et menaces
diverses de licenciements). Ces salariés, ainsi que ceux de l'enseignement, font de l'union régionale de l'UGTT à
Ben Arous une structure dynamique, combative et qui a refusé lors de la dernière Commission administrative de
l'UGTT, de donner son adhésion à la candidature du président Ben Ali [voir Alternatives citoyennes numéro 10].
La liste de Taoufik Chemakh, lui-même instituteur à Boumhel, comprend des cadres syndicaux de la santé, de
l'enseignement et du secteur industriel. Elle y a donc une base ouvrière, plus largement populaire, que ces
militants approchent et tentent de convaincre depuis plusieurs années. Leur plein investissement dans cette région
explique peut-être qu'ils aient supplanté, au sein de l'Initiative démocratique, la candidature du
porte-parole de L'ID, l'avocat Ayachi Hammami, à l'origine de ce regroupement original qu'est ce mouvement présenté
sous la couleur (bleue) de Ettajdid.
Or Ettajdid est exactement l'ancien Parti communiste tunisien, passé à la démocratie à la fin de la
décennie 80. Les Communistes démocrates de Kilani font précisément la synthèse d'une orientation
progressiste, sociale, altermondialiste prononcée, avec un choix de posture politique démocratique. Leur programme
électoral se fonde sur la défense des droits des travailleurs contre les agents locaux de l'ultralibéralisme. Une
de leurs revendications majeures sera aussi celle de l'amélioration de la qualité de l'environnement dans une
région où les dégâts d'une industrialisation sauvage sont assez mal contenus, particulièrement au niveau de
l'évacuation des eaux polluées et de la qualité de l'air. Les pouvoirs publics ont toutefois fait de gros efforts
pour la collecte des eaux industrielles, pour la création de zones vertes, et pour la promotion de l'action
sportive avec le complexe de Radès. L'infrastructure ferroviaire et routière s'améliore aussi pour servir ce qui
sera, avec l'aménagement des berges sud du lac, le pôle d'avenir de la capitale.
Ben Arous est donc le lieu de grands enjeux et la petite unité de Taoufik Chamakh aura du mal à les disputer aux
candidats du RCD (présentés récemment par le spécialiste gouvernemental de la formation professionnelle, Destourien de fraîche
date, économiste intègre et loyal, Moncef Ben Said) ainsi qu'aux candidats des autres partis en lice. Toutefois, la
force souterraine la plus redoutable est celle de l'islamisme, dans une circonscription où les mosquées regorgent
de fidèles et de cheikhs très suivis.
Pour le mouvement de Mohamed Kilani, il ne s'agit pas vraiment d'une candidature électorale mais d'une candidature
politique afin de s'entraîner, tester ses forces et se donner une visibilité politique. Peut-être même sera-t-il
alors bien placé pour occuper le cadre légal de Ettajdid qui s'offre comme une noix desséchée et stérile à
prendre ?
C'est décidément une affaire à suivre.