rafat, mis désormais hors-jeu par Sharon (comme s'il appartenait à ce dernier de désigner le porte-parole de l'Autorité palestinienne !), est impuissant et c'est au conseil de sécurité de l'ONU d'imposer une force internationale d'interposition. Pourquoi ? Parce qu'Israël agit en puissance occupante, au mépris du droit international, particulièrement de la quatrième Convention de Genève et parce que « chacune des mesures d'Israël frôle le crime de guerre ».
« Je fais 100% d'efforts mais je ne peux obtenir 100% de réussite » déclarait dimanche 9 décembre Yasser Arafat, après qu'un nouvel attentat suicide à Haifa l'eut fait désigner par la puissance occupante, une fois de plus, comme « le responsable » du cycle de violences terroristes. Le président Arafat, dont on se demande s'il est encore président de quelque autorité que ce soit tant l'arrogance du déni d'autonomie des territoires par la présence militaire sioniste porte au soulèvement jusqu'au martyr, et qui pourtant reste le président élu et le seul représentant officiel des Palestiniens, quoi qu'en décide Ariel Sharon, se voit mis dans une obligation, non pas de bonne volonté, ni de bonne foi ou d'efficacité, mais dans une obligation de résultat, sous peine de pilonnage systématique de la réalité ou de la symbolique du pouvoir palestinien. Aéroports, routes, infrastructure industrielle, dispensaires, écoles, locaux de la police s'effondrent de fond en comble ; qu'importe si, au passage, des civils, des enfants sont emportés par les obus car, enfin, Sharon qui se prend pour Bush tient en Arafat son Ben Laden ! De l'extérieur, nous regardons, horrifiés, une torche vivante brûlant sous un abri-bus ou la jambe d'un kamikaze pulvérisé par sa bombe, à quelques mètres d'une discothèque où de jeunes israéliens de son âge allaient « s'éclater » à la manière des gens heureux.
Expliquer au monde
« Comment expliquer au monde... ? » s'exclamait récemment, de passage à Tunis, Liz Hodgkin, chercheuse auprès d'Amnesty International et auteur du dernier rapport d'AI sur la violation des droit humains [cf.
Alternatives citoyennes numéro 5]. Oui, comment expliquer au monde que Sharon ne veut que la guerre et poursuit le second épisode de la guerre de 1948.
Sur les écrans des télévisions françaises, Leïla Chahid, représentante de l'Autorité palestinienne à Paris, s'y emploie avec talent, émotion et force de persuasion. Mais trop c'est trop. Sur TV5 , il y a quelques jours, en face à face avec l'ambassadeur israélien à Paris, Elie Barnabi, visiblement mal à l'aise du dérapage militaire de son gouvernement et essayant tant bien que mal de le justifier, Leïla Chahid s'étrangle à l'affirmation qu'on ne fait pas subir aux Palestiniens « un carnage », puis elle explose : « il y a eu 800 personnes déchiquetées chez les Palestiniens depuis 14 mois et je ne sais plus combien de milliers depuis 34 ans... Ce que vous êtes en train de détruire, c'est la propriété du peuple palestinien, les aéroports, les hôpitaux, les écoles... Ce sont les moyens de survie d'une société... Est-ce qu'on veut nous convaincre qu'en bombardant, c'est-à-dire en semant plus de morts, plus d'innocents tués et plus de destructions, vous allez empêcher d'autres terroristes de se faire kamikazes ? Vous produisez du terrorisme, car ce terrorisme que vous voyez est le produit de la politique d'Ariel Sharon depuis 10 mois...».
D'une certaine manière, Leïla Chahid disculpe le Hamas de vouloir miner l'ébauche d'un processus de paix commencé il y a quelques années. « Nous ne partageons pas votre vision du traitement du terrorisme. Nous ne procédons sûrement pas par l'éradication, nous ne croyons pas à l'éradication ni physique, ni sécuritaire, ni militaire...» . Du reste, même si l'Autorité palestinienne était véritablement conduite à vouloir ces solutions extrêmes, pourraient-elles les mettre en oeuvre ?
La légende d'Ismaïl
Un petit reportage de France 2 assenait sa réponse : dans cette famille palestinienne où un frère a déjà été tué, deux autres sont pour 15 ans dans les geôles israéliennes. Des deux fils qui restent, l'un Mahmoud est policier palestinien, sommé aujourd'hui de donner la chasse aux militants du Hamas, l'autre Ismaïl est précisément militant de ce mouvement islamiste. Le reportage montre alors Ismaïl passant clandestinement dans sa famille, Mahmoud l'embrassant et le protégeant, déclarant qu'il « préférait démissionner plutôt que d'arrêter son frère ». Voici enfin la mère des deux jeunes gens à qui « il ne reste plus que les yeux pour pleurer ».
Toute une symbolique qui explique, mieux qu'une longue analyse, pourquoi Arafat ne peut avoir d'obligation de résultats : car la Palestine est ainsi partagée entre le désir de paix et de vie et entre la révolte jusqu'au suicide ! Aussi, martèlera Leïla Chahid, c'est à une volonté politique internationale de paix qu'il faut en appeler, afin qu'elle impose une force internationale d'interposition.
En dépit d'objections juridiques, le droit international l'autorise, car Israël est bien puissance occupante dans un territoire souverain. Une fois de plus, le fait d'occupation israélien, fait colonial s'il en est, vient d'être dénoncé, non pas par des parties sympathisantes des Palestiniens, mais par la conférence qui vient de se tenir à Genève le 5 décembre autour de la quatrième Convention de Genève. Israël et ses alliés, les USA, en étaient absents.
Outre l'unanimité d'États représentés, dans l'accusation portée contre Israël de violer cette quatrième Convention, c'est le CICR (Comité International de la Croix Rouge) qui a élevé, le plus haut, la protestation. La liste des crimes de l'armée israélienne dans les territoires occupés s'étale à la une de La Tribune de Genève. Dès lors, au regard d'experts du droit international, ces exactions d'une armée d'occupation justifient une ingérence internationale. La situation explosive - u sens propre du terme, si l'on considère l'impact de bombes humaines - que génère cette violation permanente des droits humains interpelle le Conseil de sécurité de l'ONU, garant de la sécurité internationale. C'est à ce conseil que revient, selon les juristes, l'obligation de prendre, au nom des articles 39 et 42 de la Charte de l'ONU, une résolution d'intervention.
« Il s'agit de réagir à une situation qui met en péril la sécurité internationale » estime une juriste allemande et de fait cette situation productrice de terrorisme au Moyen-Orient, sert aussi d'alibi (à tort ou à raison) à un terrorisme islamiste à l'échelle internationale. Le Conseil de sécurité a donc pouvoir de mettre en route une force d'intervention, mais ce Conseil de sécurité, paralysé par le veto de quelques-uns de ses membres, devrait être réanimé par une volonté politique de paix. Celle-ci est formulée comme un voeu pieux par l'Union européenne, plus prête à s'engager en Afghanistan où les enjeux géopolitiques et économiques sont autrement plus appétissants, qu'à indisposer Israël et les USA. De ce point de vue, Leïla Chahid n'a pas tort de décrier « la lâcheté des européens ». Bien que cela paraisse trop tard, ira-t-on alors chercher en Israël même l'appui à cette volonté politique de paix ?
Le droit de résister
C'est à un des plus illustres sociologues israéliens, Baruch Kimmerling, qu'on peut, entre autres pacifistes, se référer. Depuis plusieurs années, ses tribunes dans le quotidien israélien Ha'aretz soutiennent un débat intellectuel en faveur de la paix. En mars 2001, il publie une « Libre expression » intitulée The right to resist (Le droit à la résistance) qui peut trouver un écho chez tous les militants palestiniens.
« Aussi difficile que cela puisse être pour nous, il est important de replacer clairement la réalité politique légale et morale dans son contexte historique. Depuis 1967, des millions de Palestiniens ont vécu sous occupation militaire, sans aucun droit civil et dépourvus pour la plupart des droits humains les plus élémentaires. La poursuite de l'occupation et de la répression leur octroie à tous les égards le droit de résister à cette occupation en utilisant tous les moyens à leur disposition et de recourir à la violence pour s'y opposer. Il s'agit là d'un droit moral inhérent à la loi naturelle et aux lois internationales...» . Tout en regrettant la forme ultime de cette résistance, celle du terrorisme tuant les civils, il en dénonce « l'instrumentalisation politique par des chefs militaires cyniques » lesquels tuent sans discrimination les Palestiniens.
L'intérêt de sa démonstration consiste à prouver qu'Israël a occupé des terres palestiniennes non inscrites dans les registres cadastraux en les déclarant « terres d'État ». Référence faite à la quatrième Convention de Genève qui interdit d'établir des faits irréversibles sur le sol des territoires occupés, le sociologue israélien dénonce la duperie de l'État sioniste qui s'est approprié les terres des Palestiniens par des artifices juridiques qui ont rendu légale l'expropriation et permis (par le phénomène de colonies) « le transfert d'une partie de la population de l'État occupant dans les territoires occupés par lui », ce qui est interdit par la quatrième Convention de Genève. « Depuis 1967, 60% de la Cisjordanie a été définie comme terre d'État, ce qui signifie une annexion de facto du territoire » écrit le sociologue qui poursuit : « Israël s'est approprié une part considérable des territoires palestiniens dans les années 80 » précisément par le subterfuge du recensement des terres non immatriculées dans le cadastre israélien ! Aucun fermier palestinien n'a eu la possibilité de faire la preuve de sa propriété. Pour beaucoup moins que cela, l'Irak, annexant une province koweïtienne, a été écrasé !
Le sociologue, poursuivant un magistral réquisitoire contre l'État hébreu, écrit : « Chaque mesure prise à l'encontre des Palestiniens frise le crime de guerre et ... le drapeau noir de l'illégalité flotte sur chacune de ces mesures. Un État qui se veut éclairé ne peut agir en État terroriste, même lorsqu'il est victime du terrorisme. Hommes d'État, généraux et simples citoyens doivent remarquer ce drapeau noir avant qu'il ne soit trop tard et que la plus noire des noirceurs ne déteigne sur chacun d'entre nous ».