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Reprise

Reprise du journal Alternatives citoyennes : l'épreuve de vérité

 

La Tunisie accueillera en novembre 2005 la seconde phase du Sommet mondial sur la société de l'information (SMSI). Voilà un grand honneur échu à l'État tunisien qui fut il est vrai pour partie à l'origine de cette initiative, par la suite décomposée en deux temps, la première étape ayant déjà eu lieu en décembre 2003 à Genève.

Pour les observateurs de la vie politique tunisienne, particulièrement pour les ONG de défense des droits de l'homme et des libertés publiques, et au premier chef pour les militants engagés dans ces combats et l'ayant souvent chèrement payé, pour la société civile non officielle, quel paradoxe, quelle indécence et, dira-t-on dans notre lexique, quelle hérésie (bedaâ) est ce privilège accordé à l'un des régimes les plus mutilants pour la liberté de presse, l'un des plus castrateurs pour les journalistes et - au sens idéologique du mot - les plus totalitaires en matière de contrôle de l'information, particulièrement celle qui circule sur Internet.

Dès lors, il aurait pu être tentant de céder à la facilité - mâtinée d'un zeste du paternalisme de ceux qui, dans les pays du Nord, croient une fois de plus savoir pour nous - d'un appel au boycott de cet évènement.

Cependant, la rédaction d'Alternatives citoyennes adopte une autre position, dans la conscience des enjeux que représente, pour un pays émergent comme la Tunisie, l'emprise du numérique à l'ère de la mondialisation. Pour une société du Sud, rester en dehors de cette réalité, ce serait se mettre en dehors de l'histoire et se résoudre à se laisser rejeter du mauvais côté de toutes les fractures.

Aussi, résolument, nous décidons d'accompagner ce moment avec le regard critique et dans la posture revendicative qu'adopteront toutes les sociétés civiles, les institutions, les médias dont nous partageons le destin. Nous nous réjouissons que ce choix soit aussi celui des autres composantes indépendantes de la société civile tunisienne, qui entendent saisir cette occasion de « déprovincialiser » ses débats, comme il a été souligné lors de la première réunion organisée à cet effet à l'initiative de la Ligue tunisienne des droits de l'homme le 30 avril 2004 et à laquelle nous avons participé.

Nous le ferons avec d'autant plus de conviction qu'en tant que Tunisiens, nous serons particulièrement impliqués et, pour ainsi dire, aux premières loges. Appelés à monter en première ligne, comment ne pas saisir cette formidable opportunité : sous la visibilité de l'ensemble des participants à cette grande rencontre - et d'une certaine manière sous leur protection -, nous allons pouvoir amener le régime tunisien à une épreuve de vérité !

Chacun sait combien ce pouvoir tire de ces Sommets internationaux un bénéfice politique et en tire l'occasion d'apparaître sous leurs lambris, redorés par leurs paillettes et tout lifté par les baumes que d'honorables hôtes, surtout en provenance de pays démocratiques, posent sur les plaies ouvertes de la société tunisienne. Ainsi fonctionnèrent le Sommet de l'Union européenne, celui de la Ligue arabe, l'essentiel n'étant pas que « l'honneur soit sauf » comme l'écrivait un éditorialiste tunisien le 24 mai, mais que les honneurs débordent à profusion, et qu'importe les éclats assourdissants des discordes et des échecs si un éclat factice et néanmoins dispendieux pose une auréole en trompe-l'oeil sur un pouvoir sanctifié par ces grand-messes.

Il se trouve toutefois que le SMSI aura autrement une valeur de test. Nous nous proposons d'occuper Internet comme on fait entrer un cheval de Troie dans une citadelle. Avec la jeunesse tunisienne, avec ses militants, ses chercheurs, l'ensemble des citoyens, nous élèverons par une expression et une information libres notre revendication de citoyenneté, et nous attendons donc que nos lecteurs en Tunisie puissent se connecter sur notre site, à partir duquel nous voulons communiquer sans entraves avec eux.

Dans cette logique, nous enregistrerons tout blocage vérifiable et nous le communiquerons aux associations de la société civile tunisienne et internationale qui tiendront le registre des protestataires auprès des instances du SMSI. Il va sans dire que nous témoignerons aussi des dispositions (ouvertures ?) positives que les autorités tunisiennes pourraient ménager, car l'information rigoureuse ne s'accommode pas de surenchère.

De fait, notre journal électronique reprend à la faveur de ce contexte où nous attendons des autorités tunisiennes de la cohérence. Le mode de fonctionnement habituel du pouvoir tunisien est de mettre en avant sa vitrine lustrée avec cet interdit opposé au regard porté sur son arrière-cour. Nous attendons que cesse sa schizophrénie, pour que transparence et vérité deviennent la règle.

Notre journal reprend également alors que des échéances importantes - plus par les occasions de débat qu'elles suscitent que par leurs résultats à la prévisibilité assurée - marqueront l'année 2004, avec les élections législatives et présidentielles. Nous entendons faciliter à cette occasion un débat public de qualité, en y prenant toute notre part.

Pour le reste, notre fonctionnement mensuel de mars 2001 à mars 2002 a précisé notre identité. Nous tentons de porter une parole indépendante, autant que nous en avons conscience, une parole affranchie des pouvoirs et des lobbies. Nous nous situons dans un projet démocratique, solidaire et progressiste, et offrons ce support électronique, gratuit et non subventionné, au débat libre dans ce cadre et dans celui d'une éthique de l'information.

Encore hébergé en France par la force des choses, ce journal est aussi réalisé sur les deux rives et s'inscrit dans un projet euro-méditerranéen. Mais nous avons eu d'importants retours d'outre-Atlantique, confirmant la pertinence de notre élargissement « aux Tunisiens d'ici et d'ailleurs », car la plus grande chance de la Tunisie reste sa diaspora éclatée sur le globe. Nous comptons sur leur métissage pour cosmopolitiser une tunisiannité que nous ne voulons pas étriquée, chauvine, fermée aux autres horizons. Au contraire, c'est une Tunisie multiple que nous voudrions voir évoluer dans la continuité de son histoire et dans le mouvement du monde d'aujourd'hui.

La reprise d'Alternatives citoyennes se fera dans les prochains jours et nous en adresserons le sommaire et quelques éléments à nos amis inscrits sur notre liste de diffusion. Chacun peut s'y abonner de la même façon. Nous espérons de nos lecteurs compréhension, solidarité et réciprocité.

Pour cette simple raison que, malgré nos différences, « nous vivons sous le même règne » et souffrons dans les mêmes liens.

 

Le 22 juin 2004
Nadia Omrane, journaliste, Tunis
Meryem Marzouki, chercheuse au CNRS, coordinatrice du caucus Droits de l'homme au SMSI, Paris
www.alternatives-citoyennes.sgdg.org  ~ redaction@alternatives-citoyennes.sgdg.org