Mercredi 23 juin 2004
l'initiative de CONGO, la Coordination des ONG accréditées auprès de l'ECOSOC, une réunion d'information a lieu
toute la journée, à destination des organisations de la société civile, et en préparation à la PrepCom officielle
du 24 au 26 juin. Bien que la réunion ait lieu à
l'intérieur de la Médina de Yasmine Hammamet - où l'entrée ne pouvait se faire qu'en montrant son badge
attestant d'une inscription en tant que représentant d'une organisation accréditée -, la participation à la
réunion CONGO est ouverte à tous, comme n'ont pas manqué de le souligner Renata Bloem, présidente de CONGO, et
Moncef Achour, membre du Secrétariat exécutif du SMSI pour la phase de Tunis, chargé des relations avec la société
civile, nommé et payé par le gouvernement tunisien (de même que ses prédécesseurs suisses pour la phase de Genève,
Alain Clerc et Louise Lassonde, avaient été nommés et payés par le Canton de Genève).
Mais si cette ouverture de la réunion à toute personne intéressée, enregistrée ou non, accréditée ou non, était
bien réelle, il avait fallu néanmoins l'exiger auprès de Renata Bloem, lors d'une rencontre à une réunion de la
société civile européenne et nord-américaine, organisée à Berlin le 13 juin 2003 par la coordination de la société
civile allemande, sous l'égide de la Fondation Heinrich Boell. Cette exigence a été exprimée, sous peine qu'une
réunion alternative d'information soit organisée en dehors du site de la conférence.
On apprend, entre autres, au cours de cette réunion que les observateurs disposeront de 15mn de temps de parole
pour chaque groupe devant la plénière des gouvernements, vendredi 25 et samedi 26 juin. Il y a trois groupes
d'observateurs : la société civile, le secteur privé et les organisations internationales (agences de l'ONU
incluses).
- Programme de la réunion du 23 juin 2004 :
http://www.ngocongo.org/ngomeet/WSIS/NGO/prepcom1Orientation.pdf
- Compte-rendu de cette réunio par Rik Panganiban, CONGO :
http://www.ngocongo.org/ngomeet/WSIS/ReportWSISprepcomIorientation.htm
Jeudi 24 juin 2004, plénière société civile (9h)
utre diverses discussions,
on commence à envisager la répartition du temps de parole entre les groupes de la
société civile : 30mn en tout pour toute la PrepCom. Sans aucun sens des priorités, chaque groupe, voire des
participants individuels, met en avant la thématique qui le préoccupe, et souhaite un temps de parole pour le
présenter. La décision sur la répartition est alors renvoyée à la réunion générale du groupe contenus et thèmes,
dont c'est l'objet, à laquelle tous sont invités à participer le soir même.
Lors de cette plénière, le représentant de l'AMARC (Association Mondiale des radiodiffuseurs communautaires), Steve
Buckley, par ailleurs représentant du caucus Médias, lit pour information et appel à signatures additionnelles
la Déclaration de Bakou (voir le texte fourni dans ce dossier d'Alternatives citoyennes). Une réunion du
caucus Médias doit se tenir immédiatement après la plénière.
Par ailleurs, le caucus des droits de l'homme annonce la tenue de sa réunion publique pour le début d'après-midi.
- Structuration des représentants de la société civile depuis la phase de Genève :
http://www.wsis-cs.org/cs-overview.html
- Liste des caucus et autres groupes thématiques ou régionaux :
http://www.wsis-cs.org/caucuses.html
- Compte-rendu de la réunion du caucus droits de l'homme, par Ralf Bendrath, Fondation Heinrich Boell :
http://www.worldsummit2003.de/en/web/637.htm
Jeudi 24 juin 2004, réunion du groupe contenu et thèmes de la société civile (18h)
es deux coordinateurs du
groupe contenu et thèmes de la société civile pour la PrepCom, Karen Banks de
l'APC (Association for Progressive Communication) et Steve Buckley de l'AMARC, président la réunion. Ils proposent
de répartir les 15mn de temps de parole société civile du vendredi en quatre présentations, toutes au nom de la
société civile dans son ensemble, suivant des priorités évidentes : une présentation générale sur le processus
et les modalités de participation de la société civile, une présentation générale sur les attentes de la société
civile par rapport à la seconde phase, en termes de résultats, une présentation sur l'état des droits de
l'homme dans la société de l'information, une présentation sur l'état des objectifs du Millénaire pour le
développement (Millenium Development Goals) dans le contexte de la société de l'information. En bref, deux
présentations seront consacrées au SMSI lui-même, et deux autres à des préoccupations plus globales, à savoir d'une
part les droits civils et politiques et d'autre part les droits économiques, sociaux et culturels, déclinées dans
le cadre spécifiques de la société de l'information.
Ce plan de répartition est accepté par l'ensemble des participants, sachant que le lendemain la répartition du
temps de parole de samedi (15mn également) serait examinée en commun, en axant sur les thématiques plus spécifiques
de la phase de Tunis, à savoir les questions de la gouvernance d'Internet et du financement des infrastructures
d'accès.
Les deux coordinateurs appellent alors à plusieurs reprises les participants à la réunion à constituer un comité de
rédaction pour les quatre interventions du vendredi, qui devra également désigner les quatre personnes chargées de
les présenter au nom de tous les participants de la société civile présents à Hammamet. Il est recommandé, comme
d'habitude, d'assurer un équilibre à la fois en termes de représentation régionale et en termes de genre lors du
choix des personnes devant présenter les interventions. Les volontaires pour participer au comité de rédaction sont
priés de se retrouver à la sortie de la salle immédiatement après la réunion.
Jeudi 24 juin 2004, réunion du comité de rédaction des interventions de vendredi (20h)
ne petite douzaine de
volontaires qui s'étaient retrouvés comme convenu à la sortie de la réunion du groupe contenu
et thèmes, s'installent dans un café immédiatement à la sortie de la salle de réunion pour mettre au point les
interventions du lendemain et décider des personnes devant les présenter. Ils décident que les textes élaborés
seront présentés par : Ralf Bendrath (Fondation Heinrich Boell, Allemagne) pour le texte sur le processus et
les modalités de participation de la société civile, Victoria Cabrera-Balleza (ISIS International Manila,
Philippines) pour le texte sur les attentes de la phase de Tunis, Souhayr Belhassen (LTDH, Tunisie) pour le texte
sur les droits de l'homme et George Christensen (AMARC-Afrique, Gambie) pour le texte sur les objectifs du
Millénaire pour le développement. La parité de genre est respectée, et trois pays du Sud (deux africains, un
asiatique) seront représentés sur les quatre interventions. Le comité de rédaction définit en commun les grandes
lignes des quatre présentations, puis se sépare en petits groupes pour la rédaction.
Vendredi 25 juin 2004, plénière de la société civile (9h)
es participants de la
société civile se retrouvent en plénière comme convenu, et la séance commence par un
compte-rendu des travaux du comité de rédaction. Aucun texte n'est lu (comme cela s'est toujours produit pendant la
première phase de Genève, confiance étant accordée aux personnes mandatées pour rédiger ces textes, toutes
volontaires à cette charge), mais les personnes qui les présenteront sont
annoncées. Auparavant, les textes rédigés la veille au soir avaient été imprimés, avec notamment 20 exemplaires de
chaque fournis au secrétariat pour la société civile et à la présidente du CONGO, en relation avec le secrétariat,
notamment pour transmission aux interprètes de la plénière gouvernementale, afin de faciliter leur travail de
traduction.
Les problèmes commencent avec l'annonce que Souhayr Belhassen, vice-présidente de la Ligue tunisienne des droits de
l'homme, présentera le texte sur les droits de l'homme au nom de la plénière de la société civile. À ce moment-là,
le texte lui-même n'avait pas encore été lu par ceux qui protestaient, c'est-à-dire les organisations de la société
civile tunisienne autres que les quelques indépendants. La seule perspective de donner la parole à la LTDH,
organisation reconnue et accréditée, dans une réunion intergouvernementale officielle se déroulant en Tunisie
les faisait alors réagir.
Les présentations des observateurs, en particulier de la société civile, devant avoir lieu autour de 10h, à
l'ouverture de la plénière gouvernementale, la plénière société civile se termine donc sur ces protestations, mais
sans modification des décisions prises sur les textes et les personnes devant les présenter. Tout le monde
s'achemine donc, certes dans un brouhaha notable, vers la salle de la plénière gouvernementale. Renata Bloem,
présidente de CONGO, et en relation avec le secrétariat exécutif pour la société civile - personne pivot,
donc -, tente en vain de s'adresser aux représentants du caucus des droits de l'homme pour que ce soit non pas
Souhayr Belhassen, mais l'une des coordinatrices du caucus, qui présente le texte sur les droits de l'homme. Malgré
la colère que manifestait alors Renata Bloem, toujours soucieuse avant tout que les choses se passent dans une
atmosphère feutrée et sans histoire, quoi qu'il en coûte, il lui est répondu que la décision du comité de
rédaction sera respectée, et qu'il n'y a pas lieu à modification de dernière minute.
Vendredi 25 juin 2004, plénière gouvernemenale (10h)
es représentants de
la société civile chargés de présenter les textes s'installent dans la salle de la plénière
gouvernementale, toujours dans un grand brouhaha, et l'atmosphère est très tendue. Pendant ce temps, selon des
observateurs, des représentants d'organisations de la société civile tunisienne proches des autorités sont allés
informer en haut lieu de ce qui allait se passer, et le texte sur les droits de l'homme avait déjà circulé. Après
que les observateurs des organisations internationales et du secteur privé ont présenté leurs interventions, le
président de la PrepCom, l'ambassadeur letton Janis Karklins, annonce une suspension de séance de 3 minutes, en
appelant pour concertation des représentants du secteur privé et de la société civile. Cette interruption a donc eu
lieu juste avant les présentations de la société civile. L'interruption a en réalité duré 15 minutes. Selon des
observateurs, les autorités tunisiennes se seraient elles-mêmes plaintes au président de la PrepCom, suite à
la plainte auprès d'elles par des organisations de la société civile tunisienne, arguant que les décisions de la
plénière de la société civile n'étaient pas démocratiques. L'interruption de séance de 15 minutes n'ayant
apparemment pas résolu le problème, l'ambassadeur Karklins annonce une interruption de 45 minutes, pour convoquer
une réunion du bureau intergouvernemental.
À l'issue de cette réunion, l'ambassadeur Karklins annonce aux représentants de la société civile réunis en
plénière d'urgence (voir ci-dessous) que, s'ils ne
veulent pas complètement perdre leur temps de parole de 15mn, ils doivent prendre une décision consensuelle
avant la fin de matinée sur les textes qui seront présentés et les personnes qui les présenteront. L'ambassadeur
rappelle que les représentants de gouvernement ne peuvent pas intervenir dans les décisions des groupes
d'observateurs, et demande à Renata Bloem, présidente de CONGO, de lui fournir la liste des personnes à 12h40.
L'ambassadeur précise que la liste doit contenir les noms des personnes qui présenteront les textes, et les
organisations qu'elles représentent. Il rappelle également que les orateurs doivent de leur côté respecter
scrupuleusement les règles de procédure, ce à quoi il sera très attentif en tant que président de la PrepCom,
interrompant la lecture du texte présenté si nécessaire. L'ambassadeur faisait allusion à la règle qui veut que les
interventions orales doivent être strictement relatives à l'agenda de la réunion, en l'occurrence celui de la
plénière gouvernementale.
Vendredi 25 juin 2004, réunion d'urgence de la plénière société civile (11h)
e chaos total.
Des organisations de la « société civile africaine », en fait, 3 ou 4 personnes en poste
à Genève, aussi officiellement que certaines organisations de la société civile tunisienne sont en poste à Genève
auprès de l'ONU, viennent donner un coup de main à leurs homologues tunisiens qui ne les lachent pas d'une semelle
et veillent à leur information en toutes circonstances, jusqu'à les briefer devant le micro pour
leur souffler ce qu'ils doivent dire. Sont contestés alors non seulement le choix de
Mme Souhayr Belhassen, de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, pour présenter le texte sur les droits de
l'homme, mais le texte lui-même, du moins son dernier paragraphe, reproduit ci-dessous :
Texte initial de la société civile sur les droits de l'homme, dernier paragraphe :
« Enfin, nous sommes pleinement conscients de l'importance fondamentale de la tenue du SMSI à Tunis,
pour les peuples de Tunisie comme de l'ensemble des pays du Sud, et nous souhaitons donc sa réussite.
Toutefois, nous souhaitons réaffirmer qu'il incombe au pays hôte du Sommet de se montrer exemplaire,
notamment dans la réalisation de la liberté d'expression, d'information et de communication, ainsi que de
la liberté d'association et du droit à la vie privée, pendant le déroulement du processus de Tunis et
au-delà. » (en gras, les formules posant problème à certains).
Inutile de revenir sur les « arguments » utilisés, ni les méthodes, largement décrites par plusieurs
observateurs, et mentionnées dans le communiqué du caucus des droits de l'homme (voir le texte fourni dans ce
dossier d'Alternatives citoyennes). Retenons simplement que les demandes formulées par les protestataires
était : (1) de remplacer Souhayr Belhassen par « une femme africaine », en l'occurrence Mme Awa
N'Diaye, l'une de ces fameuses représentantes de la « société civile africaine » de Genève (car bien
entendu, chacun sait que Mme Souhayr Belhassen n'est pas une femme, et qu'une tunisienne ne saurait être
africaine puisque la Tunisie n'est pas un pays d'Afrique !) et (2) de supprimer les mentions posant problème
dans le dernier paragraphe du texte (identifiées en caractères gras ci-dessus).
Un vote a été proposé pour trancher. Mais, outre que certains participants ont justement récusé une telle
procédure, sachant que la plénière de la société civile ne réunit finalement que ceux qui ont pu faire le voyage
jusqu'à Hammamet, et que de toutes façons la « société civile » est, plus généralement parlant, une
entité aux contours pour le moins flou, et qu'elle ne saurait donc se prévaloir d'une quelconque représentativité,
notamment pour voter (au nom de qui ?), le refus du vote est venu de Mme Saïda Agrebi, de l'ATM (Association
tunisienne des mères), protestataires parmi les plus virulentes. Sans doute son oeil exercé avait-il déjà mesuré
que les résultats d'un vote dans la salle ainsi composée ne seraient pas forcément en faveur de sa position. Mme
Agrebi appela alors au « consensus » dans la salle, se faisant fort d'assurer, avec ses camarades
tunisiens et africains (puisqu'il faut désormais considérer la Tunisie en dehors de ce continent), ce consensus
par une cacophonie de cris et d'applaudissements couvrant toute vélléité de prise de parole autre. Inutile de
dire que les non francophones dans la
salle, et ils étaient nombreux y compris parmi les pays du Sud dont des pays africains, ne suivaient absolument plus rien puisque tout se déroulait désormais en Français,
et que les traducteurs bénévoles à cette heure ne pouvaient même plus placer un mot.
C'est alors que l'un des africains apparemment acquis à leurs amis tunisiens, alors président de séance,
décide soudainement,
après briefing à l'oreille, que le consensus s'est dégagé en faveur de la modification du dernier paragraphe du
texte, et que ce serait Mme Awa N'Diaye qui le présenterait. Olivier Nana Nzépa, puisque c'est de lui qu'il s'agit,
a ajouté qu'il « assumait complètement cette décision ».
Il était l'heure de retourner à la plénière gouvernementale, pour que les présentations société civile aient lieu,
sous peine de perdre l'ensemble du temps de parole. Mais le scandale a été tel, après ces pratiques et cette
décision complètement incompréhensible, que même Renata Bloem, la présidente de CONGO, a jugé cela inadmissible et
a pris sur elle d'aller annuler la présentation du texte sur les droits de l'homme ce jour-là. Seules trois
interventions ont donc été présentées vendredi 24 juin au nom de la société civile.
- Une vidéo de la plénière société civile de fin de matinée, pour avoir une idée de l'ambiance :
http://edwebproject.org/tunisia04/multimedia/plenary.argue.avi
- Présentation de Ralf Bendrath (Fondation Heinrich Boell, Allemagne) :
http://www.itu.int/wsis/doc2/pc1/plenary/heinrich-boll.pdf
- Présentation de Victoria Cabrera-Balleza (ISIS International Manila, Philippines) :
http://www.itu.int/wsis/doc2/pc1/plenary/isis.pdf
- Présentation de George Christensen (AMARC-Afrique, Gambie) :
http://www.itu.int/wsis/doc2/pc1/plenary/amarc.pdf
Vendredi 25 juin 2004, réunion du groupe contenu et thèmes de la société civile (18h)
ette réunion devait
décider des interventions du lendemain, notamment sur les thèmes de la gouvernance d'Internet
et du financement des infrastructures. Bien évidemment, elle a été complètement détournée par les problèmes de la
journée. On a vu arriver sans cesse des personnes qui n'étaient pas présentes jusqu'ici, dont on a su ensuite
qu'elles avaient été amenées par bus entiers, pour remplir la salle, au cas où un vote aurait lieu.
Le « consensus » forcé du matin a été dénoncé. Il a été proposé, notamment par des représentants du
caucus des droits de l'homme, mais aussi par plusieurs autres personnes présentes, de résoudre le problème par deux
présentations sur cette question, l'une de Mme Souhayr Belhassen, avec le texte initial proposé, l'autre par une
personne choisie par les protestataires, Mme Awa N'Diaye ou autre, avec un texte de leur choix. Cette proposition de
bon sens n'a évidemment pas été acceptée par la foule en furie : son problème n'était pas de présenter une
vision alternative dans une diversité démocratique de points de vue, mais bien d'empêcher à la fois que Mme Souhayr Belhassen s'exprime, et que le texte initial sur
les droits de l'homme, du moins son dernier paragraphe, ne soit pas lu devant la plénière des gouvernements. Au
bout de 3 heures environ, il a fallu évacuer la salle (les chauffeurs de bus attentaient pour raccompagner les
troupes amenées en renfort !) sans aucune décision prise.
Signalons que l'impensable a été commis, avec des agressions verbales insupportables vis-à-vis des « femmes
blanches », en l'occurrence l'anglo-australienne Karen Banks, coordinatrice du groupe contenus et thèmes, et
l'allemande Jeanette Hofmann, coordinatrice du caucus sur la gouvernance d'Internet. C'est tout juste si elles
n'ont pas été comparées aux femmes militaires de l'armée américaine dont les photos en provenance de la prison
d'Abou Graib en Irak ont montré leur participation aux tortures exercées sur les prisonniers irakiens.
On a même vu l'urugayen
Roberto Bissio, représentant de l'organisation Instituto del Tercer Mundo (Institut du
Tiers-Monde, ITeM), accusé d'être un « agresseur du Nord vis-à-vis des représentants des pays du
Sud » ! C'est à croire que l'Urugay est autant un pays du Sud que la Tunisie est un pays
d'Afrique : le ridicule ne tue plus...
On notera à ce propos l'instrumentalisation des problèmes du Sud, et de l'Afrique en particulier, au service des
pratiques non démocratiques et plus particulièrement au service de la censure, instrumentalisation pratiquée
d'ailleurs dans le total mépris des problèmes de ces pays et de leurs populations.
Une instrumentalisation et une manipulation qui ont beaucoup choqué, au premier chef les représentants
d'ONG des pays du Sud, qu'ils viennent d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique du Sud, il est vrai que ces ONG-là sont
indépendantes.
Une instrumentalisation d'un côté
qui, rencontrant
de l'autre une réelle politique de l'échange inégal, a déjà fait échouer dans les années 70-80 les vélléités
de Nouvel ordre mondial de l'information et de la communication (NOMIC), notamment dans ce qu'elles avaient de
plus prometteur. On retrouve d'ailleurs dans le processus du SMSI certains acteurs de
cette époque.
Vendredi 25 juin 2004, réunion des représentants de la société civile indépendante (21h)
'est dans un café du site,
au vu et au su de tous, que se retrouvent tous les acteurs indépendants de la société
civile internationale présents à Hammamet, y compris ceux qui d'ordinaire ne se préoccupent aucunement des
questions liées aux droits
de l'homme,
comme ils le disent eux-mêmes. Ils étaient aussi là, parce qu'ils en avaient vu trop, parce que la situation était
réellement insupportable, et parce que, il faut bien le dire, ils ne pouvaient même plus faire avancer
tranquillement leur propre agenda, qu'il s'agisse de gouvernance d'Internet ou d'autres thématiques. Les membres du
caucus des droits de l'homme étaient présents également - deux d'entre eux passant d'ailleurs la soirée à
traduire du Français à l'Anglais et de l'Anglais au Français, afin que chacun puisse prendre part à la
discussion -, ainsi que les représentants de la société civile tunisienne indépendante.
C'est peut-être à ce moment que les échanges les plus intéressants ont eu lieu, dans une vraie solidarité
internationale, notamment vis-à-vis de la situation des ONG tunisiennes indépendantes. C'est d'ailleurs là que
s'est finalement révélé l'échec de la stratégie du chaos : tous les présents, bien au-delà des organisations
de défense des droits de l'homme, sont décidés à aider ces ONG tunisiennes
indépendantes, en Tunisie ou à l'étranger, pendant les PrepCom et à d'autres moments, sur les questions liées au
SMSI comme sur des questions plus générales. Ceux qui ont cru, comme le signalait avec malice une tunisienne
présente, « qu'ils pouvaient se comporter dans une conférence internationale comme ils le font à la Choôba
de Ksiba », peut-être parce qu'ils ne savent pas agir autrement, ceux-là ont perdu, quoi qu'il arrive.
Il a aussi été décidé d'écrire un texte retraçant les évènements des derniers jours et, si la plénière du lendemain
matin ne permettait pas de parvenir à une attitude raisonnable, d'en appeler solennellement au président de
la PrepCom en lui adressant ce texte.
Samedi 26 juin 2004, plénière de la société civile (9h)
a nuit ayant certainement
porté conseil, la stratégie du chaos est abandonnée par ses tenants. La séance est donc
plus calme, avec pour autant les mêmes « arguments » échangés, et le même refus de présenter deux textes
différents sur la question des droits de l'homme.
C'est alors que le coup de théâtre survient : un message du président de la PrepCom - à qui le texte
produit la veille au soir n'avait pourtant pas encore été présenté - annonce la décision de l'ambassadeur
Karklins : il a décidé d'accorder, en plus des 15mn de temps de parole de la société civile, un temps de
parole spécifique à la représentante de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, afin qu'elle présente le texte
qu'elle devait lire la veille. Mme Saïda Agrebi se lève pour tenter désespérément de contester cette
décision, n'ayant sans doute pas compris ce qu'elle signifiait, notamment un accord, in fine, des autorités
tunisiennes sur la décision du président de la PrepCom.
Il est vrai qu'un grand nombre de représentants
gouvernementaux avaient informellement protesté devant la situation des derniers jours, il est vrai également que
l'interruption de la plénière gouvernementale de la veille était un grave incident qui, s'il venait à se
reproduire, pouvait aller jusqu'à compromettre la tenue du Sommet lui-même à Tunis, il est vrai enfin que le groupe
des 25 de l'Union européenne, dont l'ambassadeur letton président de la PrepCom, avait décidé d'une réunion urgente
et s'apprêtait à émettre une protestation formelle en plénière. Celle-ci a bien eu lieu d'ailleurs par la voix de
l'ambassadrice irlandaise, l'Irlande assurant la présidence de l'Union à cette date (voir le texte
fourni dans ce dossier d'Alternatives citoyennes). Il se murmurait même dimanche, à l'issue de la PrepCom,
que la représentation de l'UE à Tunis était chargée d'émettre dès le lendemain une protestation encore plus
formelle, quoique non publique, auprès du gouvernement tunisien.
Après l'annonce de la décision du président de la PrepCom, la séance est levée et tout le monde se rend dans la
salle de la plénière gouvernementale. Avant que la séance officielle ne reprenne, les représentants de la Ligue
tunisienne des droits de l'homme sont appelés à s'entretenir avec l'ambassadeur Karklins, avec un représentant du
caucus des droits de l'homme. C'est là que, de lui-même, Mokhtar Trifi, président de la LTDH, propose d'adoucir le
texte du dernier paragraphe, sans pour autant renoncer à son sens initial. La bataille était déjà gagnée, le
président de la PrepCom ne devait pas être mis dans l'embarras, et donc les règles de procédure devaient être
respectées scrupuleusement pour ce faire.
C'est donc dans un silence religieux (on n'aura jamais écouté la société civile avec une telle attention lors d'une
réunion onusienne) que Souhayr Belhassen a lu le texte sur les droits de l'homme, y compris ce
fameux dernier paragraphe ainsi modifié :
Texte de la société civile sur les droits de l'homme, dernier paragraphe, tel que lu par Souhayr
Belhassen :
« Enfin, nous sommes pleinement conscients de l'importance fondamentale de la tenue du SMSI ici
et pour les peuples
de l'ensemble des pays du Sud, et nous souhaitons donc sa réussite. Toutefois, nous souhaitons réaffirmer qu'il
incombe aux deux pays hôtes du Sommet de se montrer exemplaires, notamment dans la réalisation de la liberté
d'expression, d'information et de communication, ainsi que de la liberté d'association et du droit à la vie
privée. » (en gras, les formules modifiées par rapport au texte initial, la dernière partie ayant
été supprimée pour respecter les règles de procédure).
Ensuite devaient être lus les autres textes, dans le cadre des 15mn de temps de parole de la société civile.
Surprise, c'est Mme Awa N'Diaye qui prend la parole. Et, comble du ridicule, elle relit exactement le texte qui
venait d'être prononcé par Mme Souhayr Belhassen, avec une légère modification sur le dernier paragraphe :
Texte de la société civile sur les droits de l'homme, dernier paragraphe, tel que lu par Awa
N'Diaye :
« Enfin, nous sommes pleinement conscients de l'importance fondamentale de la
tenue du SMSI à Tunis, pour les peuples de l'ensemble des pays du Sud, et
nous souhaitons donc sa réussite. Toutefois, nous souhaitons réaffirmer qu'il
incombe à tous les pays du monde de se montrer exemplaire, notamment dans
la réalisation de la liberté d'expression, d'information et de communication, ainsi
que de la liberté d'association et du droit à la protection de la vie privée. » (en gras, les formules
modifiées par rapport au texte initial, la dernière partie ayant été supprimée).
Ce gag montre bien, s'il en était besoin, que les auteurs du chaos n'ont même pas été capables de produire eux-mêmes
leur texte, et qu'ils étaient tout à fait persuadés que, de toutes façons, les représentants de la société civile
indépendante n'auraient pas eu l'occasion de présenter leur texte, prononcé par l'oratrice qu'ils avaient
souverainement choisie. Espérons que ces gens méditeront leur erreur pour la suite.
À cause des perturbations des deux jours précédents, le seul autre texte qui a pu être lu, parce qu'il était déjà
prêt, est celui sur la gouvernance d'Internet, dit par Jeanette Hofmann. Ainsi, ceux qui avaient voulu
instrumentaliser la question des pays du Sud et plus généralement la question du développement, sont ceux-là même
qui ont interdit qu'une déclaration de la société civile sur le financement des infrastructures d'accès soit lue...
Là encore, une grosse erreur à méditer.
- Présentation de Souhayr Belhassen (Ligue tunisienne des droits de l'homme, Tunisie) :
http://www.itu.int/wsis/doc2/pc1/plenary/ifhr-fr.pdf
- Présentation de Awa N'Diaye (Groupe de recherche et d'action pour le bien être social, Sénégal) :
http://www.itu.int/wsis/doc2/pc1/plenary/grabs-fr.pdf
- Présentation de Jeanette Hofman (Fondation Heinrich Boell, Allemagne) :
http://www.itu.int/wsis/doc2/pc1/plenary/caucus-ig-fr.pdf
Chassez le naturel, il revient au galop : notons pour finir que les cadreurs pour les enregistrements video
officiels (et peut-être pour la télévision) n'ont à aucun moment montré Souhayr Belhassen prononçant son texte. En
revanche, Awa N'Diaye a été bien cadrée (un cadrage très serré même, pour éviter d'inclure Mokhtar Trifi, assis
entre Awa N'Diaye et Souhayr Belhassen), et a eu les honneurs de la conférence de presse officielle subséquente, et
des journaux tunisiens du lendemain (dont La Presse, édition du 27 juin 2004).
On passera l'éponge sur ces petits caprices de perdants...
Rendez-vous est pris pour la PrepCom2, qui aura lieu cette fois à Genève en février 2005.