Alternatives citoyennes
Numéro 7 - 18 février 2002
Brèves

 

Kafkaïenne affaire de Sadri Khiari

Sadri Khiari, membre fondateur du Comité National des Libertés en Tunisie (CNLT) et d'ATTAC-Tunisie (RAID), continue d'être victime d'une interdiction de quitter le pays. S'il a récupéré son passeport en juillet 2001, au terme d'une quinzaine de jours de grève de la faim, celui-ci est tout à fait inutile car à quatre reprises, en juillet dernier, à l'automne où il devait se rendre à un colloque à Aix (IREMAM), en janvier 2002 où il devait participer à la fondation d'ATTAC-Italie (Gênes), et tout récemment alors qu'il projetait de se rendre à Paris au colloque de l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI), il fut refoulé à l'aéroport de Tunis-Carthage, en raison d'instructions judiciaires contre lui.

Sadri KhiariDeux affaires auraient été, en effet, ouvertes, une contre son action de diffusion en mars 2000 du rapport du CNLT sur les libertés (en France, Belgique et Suisse où effectivement il se déplaça), mais cette affaire serait aujourd'hui prescrite ; de la seconde affaire datée de 1997, nul ne sait un traître mot. À cette époque, Sadri Khiari se trouvait à Paris pour la rédaction de sa thèse de doctorat en sciences politiques, et il ne rentra à Tunis que brièvement, à l'occasion malheureuse du décès de son père. Son avocate, Radhia Nasraoui, n'a pu jusqu'ici avoir connaissance d'une quelconque pièce d'accusation permettant de se faire une idée de cette affaire kafkaïenne que dénoncent les ONG tunisiennes et étrangères des droits de l'homme et des parlementaires européens.

Non seulement cette interdiction de sortie est depuis deux ans insoutenable, mais elle l'empêche de se rendre, depuis un an, à sa soutenance de doctorat à l'Université de Paris VIII.

Campagne de diffamation contre Mohamed Charfi

Le quotidien à grand tirage Chourouq s'est lancé depuis plusieurs semaines - c'est une habitude du journal - dans une nouvelle opération de diffamation de Mohamed Charfi, ancien ministre de l'Éducation nationale et un des initiateurs du Manifeste du 20 mars 2001 pour les libertés.

L'originalité de cette campagne n'est pas dans sa grossièreté, tant c'est la tradition d'un journalisme de caniveau oeuvrant en toute impunité, sans que sanction soit prise. Car, d'autres acteurs de la société civile l'auront appris à leurs dépens, aucun droit de réponse n'est possible, aucune plainte n'est enregistrée contre ces voyous de la plume.

Mohamed CharfiNon, la nouveauté, c'est que la calomnie délirante occupe un feuilleton de cinq colonnes hebdomadaires et qu'elle est signée d'un « fonctionnaire » dispensant une rhétorique au sein de la Faculté des sciences juridiques de Tunis, car comment donner la qualité d'« universitaire » à un personnage dont le style public est la honte de l'Université et dont l'absence de déontologie suffit à en faire l'antimodèle de ce que devrait être l'exemplarité d'un enseignant auprès des jeunes étudiants.

Depuis plusieurs semaines donc, ce personnage étale ses vomissures dans le quotidien, par ce ressentiment avoué que Mohamed Charfi, Professeur de Droit et Président de jury lui aurait barré la route d'une promotion universitaire. À supposer que cela soit véridique, comme on comprend Mohamed Charfi à l'examen de ces déjections dégoûtantes dont s'indignent le CNLT et la LTDH !

Affaire Ksila

Le Secrétaire général de la Ligue Tunisienne des Droits de l'Homme (LTDH) a été condamné le 12 février à dix ans de prison par contumace pour harcèlement sexuel et tentative de viol sur la personne de la secrétaire de la Ligue. Présente à l'audience, celle-ci aurait été prise d'une crise de nerfs jusqu'à l'évanouissement et l'on ne peut manquer, à son sujet, de repenser à la scène sartrienne de « L'Être et le Néant ».

Mais pourquoi évoquer un si grand esprit à propos d'une si pitoyable affaire où Khemaïes Ksila a donné par quelque dérapage le prétexte à instrumentalisation politique susceptible de porter préjudice à l'institution de défense des droits de l'homme et à ses militants soucieux d'éthique et d'exemplarité ?

De fait, la sentence est très lourde pour un comportement certes à dénoncer et punir mais qui vaudrait d'envoyer - si la peine était égale pour tous - plusieurs dizaines de milliers de nos mâles tunisiens surpeupler les geôles. La justice serait-elle subitement prise d'un accès de féminisme radical ?

Quant à la LTDH, elle note dans un communiqué qu'il s'agit « d'un règlement de comptes personnel et politique » qui renvoie au passé de Khemaïes Ksila. Celui-ci ne fut-il pas, en effet, dans les meilleurs termes avec le pouvoir lequel dut, par la suite, s'être senti trahi par lui. Depuis ce communiqué de la Ligue, faisant suite au jugement, trois membres du Comité directeur, Khadija Mbazzaia, Sofiene Ben Hamida et Salah Zeghidi sont l'objet de coups de fils nocturnes anonymes, insultants, particulièrement vulgaires et menaçants, prenant fait et cause pour Khemaïes Ksila !

Béchir Essid et la grève des avocats

À la suite de la grève particulièrement réussie des avocats qui protestaient contre les conditions caricaturales dans lesquelles avaient été jugés Hamma Hammami et ses camarades, le ministre de la Justice avait déclaré cette grève illégale, imputant aux prévenus et à la défense la dérive qu'avait pris le cours de la procédure de jugement, le 2 février.

En réponse, Béchir Essid, Bâtonnier du Conseil de l'Ordre des avocats qui avait lancé le mot d'ordre de grève générale, a qualifié, dans une conférence de presse tenue le 13 février, cette grève de constitutionnelle et conforme aux prérogatives syndicales et déontologiques de l'Ordre. N'est-ce pas en effet le devoir du Barreau de veiller à la tenue scrupuleuse, selon les règles de la Justice, d'un procès. Or, selon Béchir Essid, les brutalités policières qui avaient répondu à la demande des prévenus et de leurs avocats du déplacement dans une plus grande salle d'audience, ont été à l'origine du retrait de la Défense et du simulacre de procès qui s'en est suivi.

Autour de ce procès, cinq cabinets d'avocats peu en grâce ont été curieusement victimes de vols par effraction. Béchir Essid a rappelé que l'Ordre des avocats entendait poursuivre sa mission en dehors de toute pression.

Al Moustakilla et « les militants de base »

Depuis deux semaines, la chaîne Al Moustakilla émettant sur un canal kurde le dimanche avec reprise le lundi soir, offre son plateau à des « militants de base du RCD ». On dira que ce n'est que justice et qu'équilibre de l'information après des semaines de charge des invités de cette chaîne contre le régime du président Ben Ali.

Cependant, l'usage voulait depuis quelques temps que les organes d'information non inféodés réservent leur tribune aux sans voix, tant la presse gouvernementale ou privée apparentée, sans parler de la radio et de la télévision, excluent toute voix discordante, s'offrant comme seuls espaces de parole et de pensée uniques du RCD. Ce redressement, appelé de tous ses voeux par Hachemi Hamdi qui n'a cessé depuis des semaines d'inviter le RCD à donner son opinion, survient après la prestation du professeur Moncef Marzouki dimanche 3 février, qui ne fut pas rediffusée et qui fit l'objet d'une réponse en règle du docteur Mohamed Lassoued, « militant de base du RCD », le 10 février. Un tel repositionnement annonce-t-il un coup de barre à droite de la chaîne Al Moustakilla ?

 

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