Alternatives citoyennes
Numéro 6 - 30 décembre 2001
Brèves
Échos de l'actualité

 

Dans cette rubrique mensuelle, Salah Zeghidi, militant syndicaliste, membre du bureau directeur de la LTDH et observateur attentif de la scène politique, retient sous forme de brèves des évènements marquants à ses yeux. Cette sélection est la sienne, à sa convenance, selon ses convictions et donc forcément empreinte de subjectivité. Elle n'engage par la rédaction d'Alternatives citoyennes.

La rédaction

Afghanistan

- Après plusieurs années de pouvoir taliban, et au moment de la libération les chiffres sont là : 7% seulement des filles sont scolarisées. Le taux de scolarisation des garçons est certes plus élevé, mais il reste de l'ordre de 50% seulement. Le président afghan Rahabani a annoncé à Kaboul le 29 novembre dernier que le nouveau pouvoir fera bénéficier la femme afghane du droit de vote et du droit d'éligibilitéŠ

Arabie Saoudite

- Le prince héritier Abdallah Ibn Abdelaziz a estimé que si son pays est la cible des critiques en occident, c'est parce qu'il est le seul a appliquer la Chariaâ... Makarouch ! On le serait pour moins !!!

- Deux chiffres retiennent l'attention pour un pays riche :
- 12 millards de dollars, c'est le déficit du budget pour l'an 2002.
- 12 000 prisonniers - rien que cela ! viennent d'être libérés suite à une grâce royale. Cette grâce-là mérite bien son nom en tout cas.

Égypte

- C'est cela notre sort dans ces pays du « despotisme oriental » : les autorités égyptiennes ont remis en liberté provisoire le 25 novembre 2001 un homme arrêté trois jours auparavant pour avoir publié sur son site Internet un poème de son père jugé obscène !

- On apprend que pour la première fois, El Azhar a édicté très officiellement, au mois d'août dernier, une « fatwa islamique » déclarant que « le port de la cravate ne constitue pas un acte contraire à l'Islam »Š Nous sommes en 2001, et El Azhar continue de « souler et de jouler » y compris sur le port de la cravate !

France

- Gilbert Bécaud nous quitte. À 74 ans, il est parti, un peu vite... Mais ne meurt-on pas toujours un peu vite ? Monsieur 100 000 Volts a malheureusement épuisé ses batteries... Mais il nous a laissé tant et tant de belles choses, de beaux poèmes, d'extraordinaires romances. Il peut donc partir, parce que c'est ainsi, nous laissant répéter après lui : « Et maintenant ? ».

Iran

- Les « conservateurs » mènent une action permanente pour affaiblir et saper ce que l'on appelle « les réformateurs ». On apprend ainsi que plus de 60 députés membres de la majorité réformatrice du Parlement et proches de Khatami sont poursuivis par la justice, celle-ci étant un des bastions du fondamentalisme extrémiste.

Liban

- Les universités chrétiennes du Liban entrent en grève le 25 novembre pour protester contre l'entrée des policiers sur le campus de l'Université de Saint-Joseph. Les policiers libanais pénètrent dans les campus pour enlever des calicots dénonçant la présence militaire syrienne au Liban. Dans le Liban d'aujourd'hui, il semble qu'il soit interdit de protester contre la présence de militaires étrangers sur le sol libanais.

Royaume-Uni

- Cette brève sera...brève. Monsieur Hachmi Hamdi, propriétaire de la chaîne de télévision londonienne en langue arabe Al-Moustaquila, a annoncé dimanche 23 décembre 2001 sa candidature aux élections présidentielles tunisiennes prévues en 2004. Hachmi Hamdi n'a pas précisé, lors de cette annonce, de qui et de quoi il était candidat...

Syrie

- Le vendredi 21 décembre 2001, nous disent les agences de presse, s'est tenue à Damas une conférence regroupant les dirigeants des partis membres du « Front National Progressiste » qui gouverne la Syrie, sous la direction du parti Ba'ath. L'information se poursuit ainsi : C'est la première fois depuis 30 ans qu'une telle réunion se tient. Un « Front de partis » qui gouverne un État et qui ne se réunit pas durant... 30 ans, n'est-ce pas spécifiquement syrien, je veux dire ba'athiste.

- On apprend de source très officielle que cinq Jordaniens viennent d'être libérés des prisons syriennes après 16 ans de détention sans jugement ! On apprend par la même occasion que 400 Jordaniens sont emprisonnés dans les prisons syriennes depuis plusieurs annéesŠ

Tunisie

- L'événement dans les milieux démocratiques a été incontestablement le Congrès de l'Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), réuni les 7, 8 et 9 décembre. La cérémonie d'ouverture, organisée le 7 dans une grande salle de l'hôtel International, en plein centre de la capitale a réuni « le tout Tunis » démocratique. Le miracle qu'a réussi cette association, c'est de constituer, malgré le nombre très réduit de ses militantes - moins d'une centaine -, un point de mire incontournable pour l'ensemble du mouvement démocratique en Tunisie. Connues pour leur courage, leur détermination et leur persévérance, ses militantes clament tout haut, dérangeant ainsi l'establishment, y compris une partie de l'establishment démocratique, leur attachement à la laïcité. Elles refusent toute concession, encore plus tout rapprochement avec les intégristes. Avec leur franc-parler, avec leur rejet de « la politique politicienne », de ses m¦urs et de ses pratiques, elles apportent une fraîcheur et une certaine « légèreté de l'être » dans un mouvement démocratique encore nettement marqué par le discours « langue de bois », et « macho » de surcroît...

- Une première dans les quotidiens tunisiens - les événements du 11 septembre et la guerre américaine contre le terrorisme y sont certainement pour quelque chose : le quotidien tunisien le Temps annonce sur trois colonnes, le 22 décembre : « Procès d'un groupe appartenant à des organisations terroristes ». Selon le quotidien il s'agit d'un groupe de tunisiens, agissant à partir de l'Italie, et connu sous le nom de « Ahl Al Jamma wa Sunna ». Certains de ses membres seraient en Afghanistan. Leur entraînement se faisait en Afghanistan et en Algérie - dans les maquis intégristes. Trois seulement des personnes impliquées sont en état d'arrestation, les autres - près d'une trentaine, selon certaines sources - sont en fuite. Les présents sont donc : Abdelbasset Dali, 32 ans, Mounir Ghith, 30 ans et Béchir Ben Zaied, 34 ans. Ce dernier a été extradé récemment en Tunisie par les autorités algériennes.

- La rencontre le jeudi 6 décembre, entre Mohamed Harmel, Secrétaire général d'Ettajdid et Néjib Chebbi, Secrétaire général du Parti Démocratique et Progressiste (PDP) a retenu l'attention des observateurs politiques. Cela fait plusieurs années que les Secrétaires généraux de ces partis ne se sont pas rencontrés. L'élément nouveau réside dans l'évolution que connaît Ettajdid depuis son dernier congrès en mai dernier, notamment la distance prise à l'égard du pouvoir et l'affirmation plus forte de s'ancrer dans le mouvement démocratique. Par ailleurs, Néjib Chebbi semble vouloir faire feu de tout bois et ratisser large dans le cadre de l'objectif majeur : la constitution d'un Front démocratique. Le 16 novembre, le PDP signe avec le CPR de Moncef Marzouki, le FDLT de Mustapha Ben Jaafar et le MDS légitime de Mohamed Moada, une déclaration annonçant la naissance d'une « entente démocratique » sur la base d'« un cahier de revendications » portant sur la démocratisation du pouvoir et du pays, le respect des droits humains etc.

- « El Maoukef », hebdomadaire démocratique dirigé par « Le Forum de EL Maoukef », et considéré sinon comme le porte-parole du PDP de Néjib Chebbi, du moins comme très proche de ce parti, lance dans son numéro 219 daté du 14 décembre, un véritable S.O.S. : cet hebdomadaire risque de disparaître faute de moyens... Ce journal ne bénéficie d'aucune aide gouvernementale - seuls les journaux des partis parlementaires bénéficient des subventions - l'ATCE le prive de publicité. De surcroît, il a été saisi deux fois en moins d'un an : en janvier 2001 et en juillet 2001. Les militants du PDP, ceux d'autres groupements, les personnalités indépendantes, tous ceux qui se sont retrouvés au Forum El Maoukef et assument ensemble la responsabilité de la publication de ce journal, trouveront-ils les moyens de sauver cette publication qui occupe une place importante sur la scène démocratique ?

- Le POCT est une composante importante de l'opposition tunisienne. C'est une composante peut-être moins visible, moins médiatisée que d'autres oppositions non reconnues, comme le nouveau parti qu'a fini de créer le Dr Moncef Marzouki ou celui du Dr Mustapha Ben Jaafar, fortement médiatisé et soutenu par le parti socialiste français. Mais le POCT constitue une donnée permanente du paysage politique tunisien. Il publie un périodique clandestin : La voix du peuple qui en est à son 208ème numéro. Dans l'éditorial de ce numéro de novembre, le POCT estime que Ben Ali est en train de préparer son deuxième coup d'État. Il estime en effet que tout amendement à l'article 39 de la Constitution tunisienne dans le sens d'un quatrième mandat constituerait en réalité un coup d'État...

- Le Comité national pour la défense de Mohamed Moada, présidé par Georges Adda, a publié un communiqué le 13 décembre 2001 pour réclamer de nouveau la libération de Moada, emprisonné depuis le 19 juin 2001 suite à la suspension de sa libération conditionnelle. Les initiatives prises en faveur de la libération de M. Moada se multiplient. Après la LTDH, le Comité National pour la défense de Mohamed Moada, d'autres partis politiques de l'opposition, dont notamment le PDP et le mouvement Ettajdid sont entrés en lice. Des députés sont intervenus dans le même sens lors des débats à l'Assemblée nationale, ceux du PUP et de Attajdid notamment.

- Une cabale a été menée contre l'Association tunisienne des femmes démocrates suite à son congrès des 7, 8 et 9 décembre. Parce que certaines questions liées à la gestion financière du budget de l'association ont été soulevées au cours des travaux du congrès, certains journalistes pas toujours bien intentionnés ont mené une véritable campagne de diffamation contre l'ATFD. Ces « plumitifs » et ceux qui se cachent derrière eux perdent leur temps. Et comme l'a déclaré Héla Abdeljaoued, la nouvelle présidente de l'ATFD dans son interview à l'hebdomadaire Réalités : « Il n'y a pas de problème quant à la gestion financière du bureau sortant, et s'il y a eu débat au sein du congrès autour de cette gestion, nous considérons que cela constitue une preuve de l'autonomie de l'association et de son fonctionnement démocratique...» Et Héla Abdeljaoued d'ajouter : « À l'ATFD, nous n'avons ni interdits, ni tabous, contrairement à beaucoup d'autres associations

- Restons-en à l'ATFD et à son dernier congrès. Juste pour retenir ce qui suit :
- C'est Hédia Jrad qui a obtenu le maximum de voix des votantes (42 voix)
- Le trio Khadija Cherif, Héla Abdeljaoued et Sana Ben Achour est apparemment le tiercé gagnant de ce congrèsŠ
- Azza Ghanmi, Secrétaire générale sortante et qui ambitionnait la présidence, non seulement n'y a pas accédé mais a perdu... le Secrétariat général.

- La télévision tunisienne semble faire vraiment l'unanimité contre elle. Voici que le quotidien gouvernementale La Presse, connu pour sa langue de bois et son zèle pro-gouvernemental inépuisable, se met de la partie. Abdelhamid Gmati, éditorialiste, écrit le 9 décembre 2001, parlant des programmes télévisuels du mois de Ramadhan : « Les téléspectateurs tunisiens méritent au moins la médaille de la patience - ou de l'indifférence - et de l'indulgence à force de supporter chaque soir ce qui ne peut être qu'une insulte à leur intelligence et au bon goût... Que faire alors ? Comme tout le monde : l'on fait clic-clic et l'on va voir ailleurs... »

- Monsieur Adbellatif Saddam est ministre du Développement économique. Lors des débats de fin d'année à l'Assemblée nationale sur le budget 2002, il n'a pas hésité à affirmer que... 63 000 tunisiens sont au chômage pour une seule raison : ce sont 63 000 citoyens qui refusent de travailler et se complaisent dans le chômage !!!

 

Salah Zeghidi
Syndicaliste. Membre du Bureau directeur de la LTDH. Tunis.
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