amel Ltaïef passera donc son Ramadhan en liberté.
Dieu en soit loué ainsi que quelques meilleures
dispositions du prévenu.
C'est un des deux avocats qui restent de sa précédente
défense, plus étoffée et plus tapageuse, qui a obtenu
du tribunal de première instance de Tunis, le 21
novembre, le report de l'examen de l'affaire au 26
décembre.
Kamel Ltaïef aurait dû comparaître en effet, en
état de liberté provisoire, pour un certain nombre de
chefs d'inculpation liés à une agression qu'il
déclarait avoir subie vers la fin du mois d'octobre.
Des individus se seraient jetés de manière très
malveillante sur sa voiture, mais c'est Kamel Ltaïef qui
est poursuivi pour outrage à fonctionnaire, blasphème
et allégations.
Selon des observateurs, l'incarcération de Kamel Ltaïef
à son retour de Paris le 4 novembre, pourrait être
davantage en relation avec des déclarations confiées
au Monde le 29 octobre, par lesquelles l'ancien baron
du régime portait de graves accusations contre le chef
de l'État, ses proches et quelques hauts responsables
du ministère de l'Intérieur, tout en déplorant la
situation des libertés et la gestion des affaires en
Tunisie, avec lesquelles même certains ministres,
selon lui, ne seraient pas d'accord.
Le 14 novembre, Kamel Ltaïef comparaissait devant
le tribunal de première instance qui lui refusait, à
la demande de ses avocats, une mise en liberté
provisoire. Pourtant, le 16 novembre c'est de son
domicile qu'il avait la joie d'annoncer à sa défense
qu'il venait d'obtenir cette relaxe provisoire.
L'affaire étant désormais plus banale, presque un
simple fait divers, ses avocats « politiques » dont
Me Nejib Chebbi (PDP) et Me Radhia Nasraoui (POCT)
étaient désaisis du dossier dont ne se chargeront que
les deux avocats coutumiers de ses affaires, Mes Turki
et Ferchichi.
Selon quelques informations venues du Barreau,
Kamel Ltaïef aurait également ramené ses attaques
contre le régime à un langage plus convenu et plus
décent, le journaliste ayant eu tendance à s'en tenir
à un moment de forte exaspération de Kamel Ltaïef
et en conséquence, à forcer le trait et aiguiser
l'attaque. Rappelons que c'est Jean-Pierre Tuquoi, co-auteur de
l'ouvrage Notre Ami Ben Ali, qui avait conduit cet entretien à
chaud et « au téléphone »...
À défaut d'éclaircissements publics, cette affaire
devenue très floue empruntera donc désormais un cours
plus intimiste et rassurant pour cet homme d'affaires
qui exerça, à l'ombre de l'État, avant et après le 7
novembre, une influence considérable sur la vie
politique du pays. Vaguement cousin du président Ben
Ali (il est, comme lui, natif de Hammam-Sousse), il
fut jusqu'au début de la décennie 90 dans sa très
grande proximité. Peu à peu mis à l'écart, il conserve
jusqu'à ce jour une amitié privilégiée avec certains
membres de la famille présidentielle et selon des
catégories d'entendement de notre classe politique, il
appartiendrait au « clan libéral ». Du reste, il
entretient aussi des relations conviviales et
soutenues avec des acteurs de la société civile et
jusqu'avec des militants de la gauche radicale, enfin
- chacun le sait - avec d'anciens ministres.
Mohamed Charfi lui-même, qui considérait
scandaleuse l'agression dont Kamel Ltaïef fut victime
(commentaire publié en marge de l'interview du
Monde)
fait les frais de cette sympathie conjoncturelle, dans
un article indigne, sous la plume d'un pisse-vinaigre
coutumier de bassesses et de calomnies, article qui
dénonce la complicité de l'universitaire et du
commerçant.
Désormais, toutefois, la tension est appelée à
s'apaiser, et le « coup de gueule » de Kamel Ltaïef est
porté à tomber dans l'oubli, n'ayant produit que
quelques éclaboussures sur la cohésion du système
d'État. Seule la bonne société, civile ou pas, en fait
encore la tasse de thé un peu trouble de ses soirées
ramadhanesques, tout en convenant qu'elle est à
consommer avec modération.