ous allons intensifier notre défense pour nous protéger, mais je pense qu'à terme, nous devrons commencer à combattre les Palestiniens à outrance », déclarait à New-York le ministre de la Sécurité intérieure israélien, 18 heures avant que des chasseurs bombardiers ne pilonnent la Cisjordanie et la bande de Gaza, tandis qu'un expert en stratégie, conseiller de Sharon, déclarait à Libération que le premier ministre de l'État hébreu, fort de la demande nationale, devrait faire plus, dans le sens de la mise au pas, évidemment.
« La rage et la détermination des Palestiniens à chasser les colons n'en seront que plus exacerbées », rétorquait un responsable palestinien, quelques heures avant l'attentat-suicide de Netanya.
Dans cette spirale de la violence, les commentateurs européens mettent en parallèle, dans la sinistre logique de la loi du talion, deux modalités d'agression. Car le renvoi dos à dos des deux parties belligérantes confond répression et résistance par un enchaînement de présupposés où l'oppresseur se retrouve dans son droit. Ne s'agit-il pas « du partage de la terre d'Israël », le mythe fondant le retour, celui-ci au principe de la partition inaugurale démarrant l'Histoire en 1948 ? En-deçà de ce big bang légitimé internationalement, le fait colonial se retrouve absous par la sanctification onusienne. D'une guerre à l'autre, jusqu'à la guerre de Golfe, la reconnaissance internationale des avantages acquis par la force s'offre la clémence d'une négociation tardive : les accords d'Oslo, extorquant la promesse d'un renoncement palestinien à la lutte armée, grignotent encore le temps de l'extension de nouvelles colonies de peuplement israélien tandis que sous les recommandations menaçantes Arafat abandonne le projet de proclamation d'un État souverain sur un mouchoir de poche à petits trous !
Dès lors, la seule question retorse à poser est celle-ci : jusqu'où Israël ne pourra-t-elle pas aller plus loin ?
En l'absence d'une délimitation claire - par une force d'interposition - du seuil de tolérance de l'expropriation coloniale, par la conscience internationale et par les grandes puissances, chaque avancée d'Israël resignifie la résistance, baptisée « terrorisme », et le sacrifice martyr, dénoncé comme « meurtre de civils innocents ».
Sharon et Arafat seront interpellés au même titre de responsables de l'escalade. À terme, le rapport Mitchell présente comme une panacée l'obligation faite aux Palestiniens de cesser la violence, en échange du gel de la colonisation. Au point où elle en est ! Et encore, Sharon refuse la sienne et c'est Arafat qu'on met en demeure de cesser la violence !
Image forte du paradoxe, lundi 21 mai, toutes les télévisions occidentales explosent de l'arrogance d'une jeunesse israélienne, fêtant le 34ème anniversaire de l'occupation de Jérusalem-Est, exultant : « Nous sommes ici chez nous ! ». À l'inverse, les Carnets de route de Gilles Kepel montrent où les Palestiniens se retrouvent « chez eux », dans l'enchevêtrement de bidonvilles où la mémoire identitaire recompose l'architecture de l'espace médinal.
Au bout de cette odieuse mise en rapport où s'affronteraient « deux vouloir-vivre équivalents » - bel équilibrisme des médias ! - la mort et les traumatismes rappellent à l'ordre : en six mois, 500 morts, 10 000 blessés, dont la moitié sont des enfants.
Dimanche 20 mai, sur une chaîne française, la talentueuse et convaincante représentante de l'Autorité palestinienne à Paris, Leïla Chahid, perdait, d'indignation, le langage diplomatique en accusant « la lâcheté des Européens ». Comment, en effet, apprécier cette passivité seulement « consternée » devant une guerre où « la quatrième armée du monde » liquide progressivement une population civile, dont a été volée la terre, qui n'a pas d'État et à laquelle on refuse le droit à la souveraineté ?
Mais au lieu de reprendre l'initiative pour rétablir la paix sur son flanc sud-méditerranéen, qu'elle prétend vouloir sécuriser, l'Europe préfère s'effacer dans une concertation avec les États-Unis, qui défendent à travers Israël le modèle américain et leur bras armé, au coeur de l'Euro-Méditerannée.