Alternatives citoyennes
Numéro 2 - 31 mai 2001
Éditorial
Internet : Lâchez-nous les baskets!

 

Jusqu'à quand les pouvoirs publics s'obstineront-ils à exercer sur l'accès à Internet un contrôle déjà jugé contre-productif et ridicule ?

Contre-productif, ce contrôle affecte la logique commerciale de l'Internet marchand, à laquelle obéit prioritairement en Tunisie la promotion des technologies de la communication. Des intérêts bien compris et des préoccupations sécuritaires opèrent une concentration maximale dans un giron clientéliste des mécanismes et des supports de l'accès au Web. Trois fournisseurs seulement assurent à l'ombre de l'État une connexion lourde, encombrée, souvent interrompue.

Selon les acteurs économiques et quelques responsables eux-mêmes, une frilosité équivalente marque l'approche de la transaction électronique, frappant d'inertie l'e-business, déjà handicapé par l'archaïsme des entreprises. La volonté politique affichée d'encourager le développement de l'économie immatérielle est démentie par toutes les précautions entourant l'ouverture de cette caverne d'Ali Baba.

Plus que l'information économique, c'est l'information politique qui est filtrée. Mais la censure ratisse large et supprime tous les éclairages dérangeants, surtout les plus illuminés !

Ridicule, la censure est contournée par une série d'astuces que la jeunesse surtout manipule avec ingéniosité. Tout un monde narquois d'internautes navigue dans la clandestinité, à la barbe des censeurs, auxquels la rumeur prête la velléité de bombardements des sites et boîtes aux lettres électroniques « anti-patriotes » par le virus « biladi » !

Alors il se trame dans la toile toute une nébuleuse secrète, avec ses codes, ses proxy et ses confidences, ses échanges et ses interférences, son interactivité, toute une vie parallèle où s'apprivoise la pratique politique refusée dans la réalité.

Et c'est cette réappropriation virtuelle de notre citoyenneté que nos gouvernants dénaturent, en nous présentant comme des pervers, des irresponsables et des délinquants, accrocs des sites pornographiques, racistes ou criminels et dont une censure paternaliste d'Internet préserverait la vertu et la moralité. Sauf à considérer les Tunisiens comme des débiles mentaux, en espérant qu'ils croiront une seule seconde à leur pathétique alibi, nos gouvernants feraient bien de mettre vite à niveau l'idée qu'ils se font de la politique et de la liberté d'informer et de communiquer sur Internet, en nous lâchant enfin les baskets !

 

La rédaction
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