À
la mi-mai, des bulldozers ont entrepris de raser une moitié des baraquements de Cassis, une petite station
touristique près de Marseille, où 91 Tunisiens ont vécu, sans eau, ni électricité, ni toilettes, ni tout-à-l'égout,
pendant 33 ans. Pour la majorité maçons de leur état, ils avaient construit « avec leurs bras et leurs
épaules », selon l'expression de l'un d'eux, les coquettes villas ou les richissimes résidences secondaires du
centre ou de la banlieue de Cassis.
Eux-mêmes rentraient ensuite dans leurs abris de glaise et de tôle tordue autour desquels certains d'entre eux,
jardiniers qui eurent pu être autant d'Omar Raddad potentiels, avaient fait pousser quelques légumes et aromates de
leur terroir. Au coeur du bidonville, une mosquée de fortune scellait de son étrange minaret leur commune destinée.
Car tous venaient du même petit village du sud tunisien, Mareth, coincé entre l'industrieuse Gabès et la
touristique Djerba.
De cette dernière, Ali, Mohamed, Mokhtar et les autres n'avaient de commun avec l'Odyssée d'Ulysse, que
l'itinéraire d'un exil sans fin et l'absence de l'épouse laissée au foyer à tisser des mergoum rustiques.
Au début du XXIe siècle, enfin, un arrêté préfectoral porta réhabilitation de l'habitat insalubre. Cinq ans auront
alors passé avant que le maire de la commune ne donne enfin le coup d'envoi de l'assainissement de ce gourbi et du
replacement provisoire dans un petit hôtel social, l'autre moitié devant s'installer en octobre dans des mobil
homes. Il s'agit là d'une étape transitoire avant qu'un foyer en dur de petits studios avec sanitaires et
kitchenettes collectives ne leur soient proposés dans une banlieue de Cassis, un endroit retranché où, selon le
maire, Jean-Pierre Teisseire, on pourra envisager une navette jusqu'au centre ville, une fois par semaine pour
« les jours de marché ».
Mais ces déclassés, qui ont presque tous plus de 65 ans, sont heureux de pouvoir achever leur vieillesse enfin dans
un habitat en dur avec eau courante, restant en France de peur de perdre retraites et avantages sociaux en rentrant
au pays où ils ont pourtant investi leurs économies dans le bâti, pour leurs familles.
Les habitants de Cassis ont été rassurés que la proximité de ces métèques, pourtant bien discrets et corrects, ne
dévalue pas la valeur immobilière de leurs résidences.
Le Consul de Tunisie à Marseille, assistant à la destruction du gourbi s'est félicité de ces ressortissants de son
pays qui ont vécu à Cassis, dans une grande dignité, comme d'un modèle d'intégration !