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êté cette année en France, le Brésil avait jeté toute sa flamboyance dans cette nouvelle édition de la Comédie
du livre de Montpellier, dédiée à Florence, la fille captive du pays, la petite-fille de l'arrière-pays, cette
Septimanie dont le Chamane George Frêche avait exhumé de la glaise rousse dans une langue d'Oc capiteuse comme les
fruits de ses vignes, la légende, la grammaire et la cosmogonie.
Du Roussillon au Mato Grosso, n'y eut-il eu qu'un pas, il fût celui de la bossa nova. Car Gilberto Gil était là,
ministre de la culture du président Lula en bras de chemise et multitudes de nattes indiennes, battant le discours
d'usage de sa cadence. Quelques grands écrivains brésiliens marquèrent ce tempo de notes de la révolution. Dans
le fond de l'air passait un parfum de liberté.
Cette tonalité-là convenait bien à l'inlassable mobilisation des journalistes, particulièrement de Reporters
sans frontières : son président, Robert Ménard, soutenait sur la grande place ensoleillée comme son
binôme, le père de Florence, Benoît Aubenas, dont l'opiniâtre pèlerinage s'achevait ce midi-là, la voix cassée d'un
ultime sanglot.
Chacun comprenait alors que pour un père la douleur cuisait la chair et non pas rissolait dans la friture des mots,
guère plus qu'elle ne s'exorcisait légère dans les bulles des poètes.
Métaphore de la mort, l'absence devait être pour ce père, entre tant de paroles, une longue main qui prend le coeur
et l'étreint.
Florence est enfin rentrée à la maison. Mais au récit de ses 157 jours de grabat, les yeux bandés, dans un trou
cauchemardesque, l'étau dans la poitrine est toujours là. Tous ceux qui, au nom de quelque raison que ce soit,
fût-ce la raison d'État, boursicotèrent autour de la valeur de sa vie et la marchandèrent, devraient garder à
l'oreille le crash de la voix d'un père se brisant sur des enchères.