A
près les émeutes du gaz les algériens entreront-ils dans une nouvelle phase de turbulence à voir leur or noir cédé
aux firmes étrangères ?
Fin janvier et début février en effet, les émeutes du gaz enflammaient l'Algérie de l'Ouest en Est après être
parties du sud d'Alger, de Djelfa à Médéa. Par un froid polaire qui enneigeait jusqu'aux dunes, la pénurie de
bonbonnes de gaz livra la population au marché noir où se doublait le prix de cette énergie essentielle à la
cuisine et au chauffage. Car si l'Algérie distribue son gaz à l'Europe via des gazoducs dont le prochain
- stipule un accord passé avec l'Espagne en avril 2004 - se glissera sous la Méditerranée, d'Alger à
Almeria pour emprunter ensuite les cols pyrénéens vers la France.
Ce grand pays, autrefois souverainiste en matière d'hydrocarbures, les privatise tous azimuts et punit les citoyens
qui se plaignent d'être en manque. Plusieurs mois de prison ont en effet été infligés aux émeutiers de Birine pris
sous les flammes de la colère tandis que déguerpissaient les élus locaux, indignes de représenter leurs
concitoyens. Peut-être quelques trafiquants ont-ils avivé l'incendie sous lequel partirent en fumée les registres
fiscaux, mais la grogne montait depuis quelques mois autour de la privatisation de la société d'électricité et de
gaz, éclatée en plusieurs filiales proposées à l'emprunt national. En début d'été 2004 également, une explosion
autour de l'usine d'El Hamma avait plongé le pays dans le noir. Obscure reste également cette affaire tandis que la
gestion et la maintenance de l'usine a été cédée à la société italienne qui l'avait préalablement installée.
C'est vers d'autres plus larges concessions qu'on s'achemine depuis la mi-février 2004, où le congrès panafricain
du pétrole (APA) tenu à Alger devait également se pencher sur la prochaine loi algérienne sur les hydrocarbures.
Désormais, les compagnies étrangères pourrant acquérir 70 à 100% de la production du pétrole découvert et exploité
ainsi que son acheminement et sa commercialisation. Jusqu'ici, bien que les firmes étrangères aient pu s'associer à
certaines prérogatives de la Sonatrach, celle-ci restait maîtresse en amont et en aval du processus de production
et de commercialisation. La Sonatrach est la première entreprise africaine et ses activités débordent le pays
puisque, du Pérou à la Libye, elle fonctionne désormais en holding international.
Les fidèles de l'esprit d'Alger, du temps où le président Boumediene lançait en guérillero tiers-mondiste sa
nationalisation du pétrole algérien repris à la France, s'inquiètent de cette intégration de l'Algérie dans le
marché par la perte de sa plus grande source de revenus. D'autres considèrent toutefois que la gouvernance de cette
richesse en sera plus transparente, ainsi concédée à des firmes étrangères selon les normes comptables qui
n'auraient pas toujours été respectées par les gestionnaires algériens. On en attendrait dès lors un assainissement
et une plus grande clarté du trésor public.
De fait, l'augmentation des prix du baril de pétrole ne semble guère avoir profité à la population algérienne et
d'aucuns considèrent que ce n'est pas brader le patrimoine national que d'ouvrir aux capitaux étrangers la
prospection, production et commercialisation des hydrocarbures.
Faut-il donc que les pouvoirs locaux nés de l'indépendance soient devenus bien corrompus, presque délinquants, pour
aller chercher un ordre plus honnête du côté du capitalisme financier international ?