Alternatives citoyennes
Des Tunisiens, ici et ailleurs, pour rebâtir ensemble un avenir
Numéro 15 - 22 mars 2005
Dossier
SMSI
La situation des droits de l'homme en Tunisie au centre de la PrepCom2 de Genève

 

C 'est encore et toujours la situation des droits de l'homme en Tunisie qui a été au centre de la PrepCom2 de Genève, que ce soit publiquement, avec les nombreuses manifestations organisées par des groupes de la société civile, ou dans une discrétion plus diplomatique, à travers des discussions de couloir, des réunions plus fermées ou des rendez-vous individualisés avec les représentants de nombreux États.

Notons d'abord que la phase de Tunis se prépare entièrement à Genève ! Même s'il est vrai que la question financière n'y est pas étrangère - les réunions à Genève sont moins coûteuses pour les missions des pays à faible revenus, qui sont présentes sur place de façon permanente -, la raison en est surtout que personne ne souhaite voir se reproduire les détestables évènements de juin 2004 à Hammamet... Ainsi, la troisième - et en principe dernière - PrepCom, prévue du 19 au 30 septembre 2005, aura également lieu à Genève, tout comme la PrepCom2, qui s'y est déroulée du 17 au 25 février dernier.

Cette PrepCom2 a vu une très forte participation de la société civile tunisienne, officielle et indépendante, qui, fait nouveau, discutait ferme - surtout au bar du Palais des Nations, faut-il le préciser : faut-il croire que des consignes en ce sens ont été données ? Toutefois, cela n'a pas suscité de changement lors des sessions ou autres évènements organisés : toujours les mêmes tentatives d'obstructions de la part de la «  société civile officielle », dont on commence à bien connaître les représentants, avec des «  argumentaires » dont on finit par se lasser : c'est amusant au début, mais un peu d'imagination ne nuirait pas...

Comme d'habitude, le caucus des droits de l'homme n'a pas pu travailler normalement : une seule tentative de réunion des membres du caucus, destinée à travailler en commun sur des textes de commentaires au sujet du rapport du groupe de travail sur la gouvernance d'Internet et du rapport du groupe des amis du président (volet politique et partie opérationnelle) a été suffisante pour constater qu'il valait mieux y renoncer, pour continuer à travailler en ligne, à travers la liste de discussion des membres (dont les archives sont publiques).

De même, dès l'annonce des évènements publics organisés par le caucus en réunion plénière de la société civile, les habituelles tentatives - notamment de la part de Saïda Agrebi et de Habib Achour - de s'y opposer ont fleuri, tout en se soldant évidemment par l'échec. Il faut dire que les «  arguments » soulevés frisaient le ridicule : «  les caucus n'ont pas à organiser des conférences publiques » ; «  la société civile ne doit pas critiquer les États mais se borner à présenter ses actions », etc.

Malgré ce «  folklore » imbécile qui, à lui seul, fera sans doute échouer toute autre tentative de la Tunisie d'organiser une réunion des Nations Unies - résultat sans doute non escompté -, plusieurs évènements majeurs ont pu être organisés, dans l'enceinte du Palais des Nations comme à l'extérieur, mettant une fois de plus les pratiques des autorités tunisiennes sous les projecteurs.

Le 16 février, une conférence de presse a été organisée au Club suisse de la presse à Genève par Amnesty International Suisse et comunica-ch, la coordination de la SC suisse, sous l'intitulé «  SMSI à Tunis : un sommet de l'information sous répression ? » (cf. www.iris.sgdg.org/actions/smsi/hr-wsis/confpresse-ai-fr.html). La conférence de presse était animée par Guillaume Chenevière, journaliste et directeur exécutif de la Fondation Médias et Société (Suisse). Les intervenants étaient : Sihem Bensedrine (CNLT), Wolf Ludwig (co-président de comunica-ch), Meryem Marzouki (coordinatrice du caucus droits de l'homme au SMSI) et Manon Schick (porte-parole de la section suisse d'AI, remplaçant, suite à un empêchement, Denys Robillard, ancien président de la section française d'AI).

Les textes de deux des intervenants sont disponibles en ligne :

Celui de Wolf Ludwig (co-président de comunica-ch, voir son texte à : www.comunica-ch.net/article.php3?id_article=158), a rappelé les revendications de la coalition de la société civile suisse pour la société de l'information, à savoir que «  la Tunisie doit garantir les droits de l'homme et la liberté d'information ». Notons que comunica-ch s'est largement mobilisée en faveur du soutien à la société civile tunisienne indépendante, annonçant même un partenariat entre les sociétés civiles suisse et tunisienne dans un communiqué de presse en date du 25 février 2005 (www.comunica-ch.net/article.php3?id_article=166) : «  À chaque fois que des membres des organisations regroupées dans la plateforme de la société civile tunisienne sont à nouveau l'objet de la répressions autorités tunisiennes, comunica-ch se tournera vers le secrétariat exécutif du SMSI, la délégation suisse au SMSI et celles de l'Union Européenne afin d'obtenir le respect par la Tunisie des valeurs fondamentales des droits de l'homme qui sont au coeur de la Déclaration et du Plan d'Action approuvés par le SMSI de Genève ».

Notre propre intervention, reproduite dans ce dossier d'Alternatives citoyennes, a exposé la stratégie du caucus des droits de l'homme, en trois temps - phase de visibilité de la situation en Tunisie (phase de Genève et PrepCom1), phase de constats et d'expression des revendications (PrepCom2), phase de bilan et de décision de participation ou non au Sommet (PrepCom3) - et exposé les conditions pour que Tunis soit un «  Sommet de solutions », selon la formule de l'UIT, et non un Sommet de problèmes. Cette intervention a également permis de fournir de premiers éléments concernant la mission d'observation en Tunisie organisée par trois membres du caucus des droits de l'homme, la FIDH, l'OMCT et Droits et Démocratie.

Cette conférence de presse, qui a vu une assistance très nombreuse, s'est soldée par une bonne couverture média, principalement dans les médias suisses.

Le 17 février, Reporters sans frontières (RSF) a organisé une conférence de presse dans un cybercafé de Genève, pour «  présenter sa délégation de cyberdissidents et de webloggers », parmi lesquels le regretté Zouhair Yahyaoui représentait la Tunisie.

Le 17 février, le caucus des droits de l'homme a organisé un débat public de trois heures au Palais des Nations. Sur le thème «  La société de l'information et les droits de l'homme », ce débat comportait un exposé introductif de Walter Lichem, ambassadeur d'Autriche, en sa qualité de membres de PDHRE (Mouvement des peuples pour l'éducation en faveur des droits de l'homme). Le panel a vu la participation de cinq membres du caucus : Institut danois des droits de l'homme (DIHR, Rikke Frank Joergensen), Imaginons un réseau Internet solidaire (IRIS, Meryem Marzouki), Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH, Antoine Madelin), Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH, Mokhtar Trifi), Human Rights in China (HRIC, Sharon Hom). Le programme détaillé est disponible en ligne sur le site du caucus (www.iris.sgdg.org/actions/smsi/hr-wsis/hrpanel170205-prog-fr.html). Le débat a attiré une forte audience (de 120 à 150 personnes), avec des représentants de gouvernements (Canada, dont l'ambassadrice était elle-même présente, et Danemark, Suisse, France, etc.), ainsi que Osamu Shiraishi, représentant du Haut Commissariat aux droits de l'homme de l'ONU.

Le 22 février, des membres de l'IFEX ont organisé un débat public de deux heures au Palais des Nations. La première heure a été consacrée de manière assez générale à la liberté d'expression dans la société de l'information, avec des interventions de Mark Bench (Comité mondial pour la liberté de la presse, WPFC), Steve Buckley (Association mondiale des radiodiffuseurs communautaires, AMARC) et Alexis Krikorian (Union internationale des éditeurs, IPA). La deuxième heure a permis le lancement du rapport du groupe d'observation sur la Tunisie (TMG) de l'IFEX, à la suite de sa mission effectuée dans le pays. Luckson Chipare (Institut des médias d'Afrique du Sud, MISA) a présenté la mission et le rapport, puis Sihem Bensedrine (CNLT) et Souhayr Belhassen (LTDH) ont commenté la mission et apporté leurs témoignages sur la situation en Tunisie. Le débat était animé par Alain Modoux (président d'Orbicom). Ce deuxième évènement public consacré à la Tunisie dans l'enceinte du Palais a aussi connu une bonne participation.

Le 1er mars, une conférence de presse s'est également tenue à Paris au Centre d'accueil de la presse étrangère (CAPE, Maison de Radio France), pour une plus grande diffusion de l'information sur la Tunisie et le SMSI, les évènements de Genève étant essentiellement couverts par la presse suisse. Cette conférence de presse était organisée conjointement par la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), la Ligue française des droits de l'homme (LDH), la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), le Comité pour le Respect des Libertés et des droits de l'Homme en Tunisie (CRLDHT), le Réseau Euroméditerrannéen des droits de l'homme (REMDH), et l'Association pour les Droits de la Personne au Maghreb (ADPM). La conférence de presse était animée par Kamel Jendoubi (CRLDHT et REMDH), avec des interventions de Khemaïs Chammari (FIDH), Meryem Marzouki (IRIS et caucus des droits de l'homme), Taïeb Moalla (ADPM) et Michel Tubiana (LDH). Le programme complet est disponible sur le site du CAPE : www.capefrance.org/fr/conferences/2005/3/627.html.

On a pu remarquer à cette occasion que, les habitués de la «  société civile tunisienne officielle » ayant fait défaut (un seul d'entre eux était présent, malheureusement pour lui arrivé trop tard pour pouvoir poser une de ces «  questions » dont ces personnes ont le secret), ce sont des représentants du «  Nouvel Afrique-Asie » qui les ont avantageusement remplacés, avec le souci de «  répondre à ce qui a été dit par les intervenants » (sic. On se demande où les deux personnes qui se sont ainsi signalées ont acquis une telle formation au métier de journaliste). Fort heureusement, le reste de l'assistance était composé de journalistes faisant leur travail normalement. On trouvera par exemple un article de RFI pour plus de détails sur cette conférence de presse : www.rfi.fr/actufr/articles/063/info_express_34537.asp.

 

Meryem Marzouki
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