e quarantenaire des J.C.C. n'a pas eu l'éclat attendu d'un festival dans sa maturité. Ce n'est pas faute
d'un
public pluriel et ardent qui, même lorsqu'il n'a plus 20 ans, garde bon pied pour courir d'une salle à l'autre et
bon oeil pour visionner au moins deux films par jour afin de s'enorgueillir de son propre palmarès de cinéphile.
Il y a ceux qui ne vont plus qu'aux rétrospectives ou fenêtres ouvertes sur le cinéma étranger. Entre Fritz Lang et
Fassbinder, les germanophiles savent qu'aux pays de Goethe et Nietzsche ne surgiront jamais que de splendides
fulgurances.
Il arrivera aussi que par nostalgie, on coche sur son calendrier de films retenus un des derniers Tanit d'or des
J.C.C. Pour nous, inconditionnelle du cinéma palestinien, ce fut le bijou
« Noces en Galilée ».
C'est toujours avec beaucoup de circonspection que l'expert en J.C.C. regarde les films en compétition car il y a
« à boire et à manger ».
Pour les films africains, on aura déjà donné. C'est donc à tort qu'on aura négligé « Lettres d'amour zoulou », film
sud-africain sur la gangrène d'un pouvoir même après vérité et réconciliation. Ce Tanit d'argent aux J.C.C.
préparait-il la visite du président Thabo Mbeki ?
Nul ne le sait, mais le partage d'un jury est souvent si calculé. Ainsi, le Tanit d'or fut accordé cette année pour
la première fois à un film marocain : « À Casablanca, les anges ne volent pas ».
Le thème de l'exode rural et de la perversion de la citadinité y est revisité. Par indéfectible sympathie pour les
victimes de régimes tortionnaires, il faut aussi mentionner la descente aux enfers du film marocain sur la
répression et la torture « La chambre noire ».
Le monde arabe va mal et la guerre claque à chaque bout de pellicule. Les cinéastes du Proche-Orient ont plus le
coeur au bout du fusil que le doigt sur la gâchette. Ce sont les femmes qui disent le mieux la paix en miettes
« Dans les champs de bataille » (Danielle Arbid). Randa Chahal avec « Le cerf volant », et Simone Bitton avec son
« Mur » tracent la ligne de partage, la première entre les mariés du Sud-Liban séparés par la frontière de l'occupant
israélien aujourd'hui présumé retiré, la seconde hissant ses émouvantes images contre un mur de béton et de
barbelés : « nous retrouvons en nous nos coeurs dépareillés » aurait murmuré le poète devant la belle leçon
d'humanité de cette cinéaste juive arabe.
Et puis, la Palestine au coeur des J.C.C. livrait aussi 4h38 de son histoire en images, transposition du roman du
libanais Elias Khoury « Bab Echams » qui sera dès cette semaine dans toutes les salles de Tunis.
Le public tunisien attend aussi avec impatience la projection prochaine du film de Mokhtar Ladjimi « Noces d'été »
ou « Bab al Arch » (qu'on aurait plutôt traduit par l'arche de la félicité). Ce film sur la liberté d'expression
met en scène un journaliste doublement « émasculé » par la censure et les interdits imposés sur une sexualité
libre à partager.
Pris d'assaut, le film se vit refusé à une foule de spectateurs. Ceux qui le virent se dirent partagés entre le
scandale de la transgression, l'ennui de trop de clichés ou la jouissance d'une revanche sur tant de castration
imposée réellement ou symboliquement aux populations arabes.
Cette XXe session restera marquée par la censure du film syrien « Déluge au pays du
Baas », déprogrammé sous un fallacieux prétexte (l'absence de son réalisateur !) et annoncé en
visionnage « envisagé » pour la fin des J.C.C. dans une petite salle destinée à
des projections vidéo ! Le film a-t-il été vraiment projeté ?
Nous ne l'aurons pas vu, ni n'en aurons entendu causer. Empêcher le débat sur une dénonciation du Parti-État,
n'était ce pas cela qu'on voulait ?