arak Ben Ammar a fait un tabac aux J.C.C. auprès des animateurs, des journalistes, des gens du cinéma et de maints
vecteurs de la communication.
Loin de toute ironie, ce manager transnational, au mieux avec « les gens qui comptent » dans le domaine
du showbiz, des médias, de la finance et de la politique, au moins franco-italiennes, plaît à une citadinité
tunisienne branchée, entreprenante, tournée vers la modernité occidentale sans perdre tout à fait son âme
musulmane, soucieuse de se délester des archaïsmes maghrébo-arabes. Dès lors, Tarak Ben Ammar leur apparaît comme la
locomotive susceptible de les tirer vers le Centre, là où se fait l'Histoire, là où le monde bouge, vit et gagne au
rythme du libéralisme souvent peu scrupuleux de ses dommages collatéraux.
Ben Ammar, Tarek de son prénom, s'apparente-t-il à la classe du Bifidus actif, B.A. pour les connaisseurs,
cette
enzyme qui donne la pêche et aide à se régénérer ? Tout au long de cette semaine des J.C.C. qui aura précédé les
élections, les médias tunisiens et étrangers n'ont eu d'yeux que pour lui, comme si ce conseiller de ce qu'il a
appelé lui-même « l'équipe gagnante » (celle des J.C.C., pas l'autre) était en quelque sorte en pré-campagne. Tarek
Ben Ammar superstar, certainement à lire la presse, à entendre les animateurs de radio en bafouiller (l'un d'eux
dira, dimanche 3 octobre sur RTCI, « en bafouer » : le malheureux, c'était bien cela !), oui, il était bien la
coqueluche de ces messieurs et de ces dames, fort bien de sa personne, élégantissime tant dans son plumage que dans
son ramage, le phoenix des hôtes du festival.
À la soirée d'ouverture, il se fit discret, laissant se lever le rideau sur les héros fatigués, Youssef Chahine et
Omar Sharif, son invité pas si exceptionnel que cela puisqu'il tailla un bridge à l'occasion avec les notables de
Tunis et même quelques patrons de presse. Mais c'est de l'histoire ancienne !
Omar Sharif donc était là, finissant sa carrière joliment en « Monsieur Ibrahim et les fleurs du Coran », de
toutes façons de loin supérieur aux Patrick Timsit et autres Daniela Lumbruso, invités de T.B.A,
comme si le public tunisien allait béer d'aise devant cette série B du cinéma et de la télé ! Mais la cerise sur le
gâteau s'exposait la veille, aussi couru que les voitures de collection avenue Bourguiba, en la personne de
Thierry Ardisson auquel le même animateur époustouflé de RTCI donna du « Maître ».
Maître Ardisson, donc, déambulait sur la grande avenue avec ses enfants et « sans gardes du corps », nous
précisait T.B.A., comme si notre police, affairée à suspecter le moindre souffle des militants démocrates, avait
du temps à perdre. D'ailleurs, cette police ne l'empêchera pas de revenir plus souvent en Tunisie, comme il en
confiait le désir dans une interview accordée à La Presse le 6 octobre dernier : « pour moi cela va être
l'occasion de revenir plus souvent en Tunisie... Car, c'est vrai que je suis très agréablement surpris. Quand on
voit ce qu'ont apporté Bourguiba et Ben Ali, c'est-à-dire cette politique très ouverte, très laïque... on peut dire
qu'il n'y a pas de fatalité historique. Il suffit qu'un président veuille quelque chose, comme Kamel Atatürk en
Turquie, pour qu'on dépasse toute forme de fatalisme. À preuve, le pays est libre, les filles sont libres, les gens
sont libres ». Voilà qui va encore obliger Robert Ménard, de Reporters sans frontières, à assumer son pragmatisme
en constatant une fois de plus que « bien sûr, l'engagement est moins pur que par le passé, mais qu'y
pouvons-nous ? » [voir Alternatives citoyennes numéro 1].
Venu pour un festival de films arabes et africains, Maître Ardisson n'eut pourtant d'yeux ce soir-là, à la
bonbonnière coloniale, alias le théâtre municipal, que pour un vieux Fritz Lang. Comme il avait raison !
Pour le reste, il jeta un regard poli sur ce que lui montrait Tarek, une Tunisie « terre de douceur et de paix »,
tolérante, ouverte, loin du tohu-bohu d'Irak et de Palestine, malgré toute la considération que l'on doit aux gens
de là-bas et patati et patata...
Exit Ardisson, et Tarek de s'excuser d'avoir raté quelques invités, mais pour la clôture, c'était promis, le scoop
c'était Johnny ! À la soirée finale, à la même bonbonnière, claustrés par 35°, nul n'entrevit Johnny Halliday.
D'aucuns pourtant virent son ombre se profiler sur les plateaux de l'Empire studio.
Car, la veille, tout le gratin de la Com et du ciné était à Hammamet, invité de T.B.A. qui s'autorisera
présidentiellement - car la monarchie ou beylicat est abolie en Tunisie - une heure et demie de retard. L'essentiel
quand même était dit, que l'on savait déjà (voir Ettarik Eljedid d'avril 2004) car Tarek Ben Ammar lance
concomitamment à Gammarth, sur les anciens studios de la SATPEC (défunte société nationale de cinéma), des
laboratoires de post production et de montage cinématographiques, physico-chimie et traitements numériques, tout
ce qui permet d'achever en effets spéciaux les superproductions qui plaisent le plus aujourd'hui. Mais c'est aussi
une aubaine pour le jeune cinéma des pays émergents que ce traitement-là se fasse à l'avenir à Tunis. Déjà se
profile la holding cinématographique que, sur 30 ans d'un vrai talent, de quelques entourloupettes jointes à
beaucoup d'entregent, Tarek Ben Ammar monte en multinationale.
À Hammamet, il double la mise car avec sa compagnie Quinta production alliée à Luxvide et en
partenariat avec l'ingénieux homme d'affaires, président du Conseil italien et ami, Silvio Berlusconi, T.B.A. lance
l'Empire studio. Sur 11 hectares, il monte cirques et arènes, tous pour une Rome antique comme si vous y
étiez, le cadre de carton-pâte idéal pour peplums.
Cela s'appellera d'abord la télé-réalité. Ainsi, sur 8 semaines pour TF1 et sous la férule experte de Thierry
Ardisson (qui vomissait jusqu'ici ce type de production), T.B.A. va produire des scènes de la Rome antique au pays
d'Hannibal : gladiateurs, empereurs et esclaves, épicuriens de tous acabits, en quoi se déguisera notre jeunesse «
si belle et si moderne », pour une variante moins bucolique de La Ferme.
Last but not least, dans cette acculturation au goût du jour et qui fait aussi exploser l'audimat,
T.B.A., aidé du concepteur Maître Ardisson, lancera vers novembre 2005, en pleine fièvre du sommet mondial sur la
société de l'information, la chaîne privée TT1 comme la petite jumelle de TF1.
Devant ces grandioses projets qui créeront des centaines d'emplois dans la Com, le cinéma, les services,
bref tout ce qui fait le multimédia, on ne peut que tirer son chapeau à Tarek Ben Ammar.
Peut-être devra-t-on dire au descendant de Jugurtha et neveu d'Hannibal, Ave Cesar.