e présent texte ne se veut en aucun cas une synthèse exhaustive des travaux de l'Université d'été. Vous
relèverez fort probablement des passages révélateurs d'inattentions involontaires, où certains points n'ont
peut-être pas été développés comme ils l'auraient mérité. J'espère que ce modeste travail sera accueilli avec
tolérance et compréhension.
Je voudrais, tout d'abord, féliciter tous les membres de l'Initiative Démocratique pour le succès des travaux de
l'Université d'été. Ce succès peut être mesuré à quatre niveaux :
- Au niveau du nombre très élevé de participants, notamment parmi les intellectuels et militants démocrates, venus
aussi bien de la capitale que de tous les gouvernorats du pays. Plusieurs générations, plusieurs orientations
idéologiques et politiques étaient là. Une telle présence n'était pas à portée de main. La séance d'ouverture a
compté près de deux cent cinquante participants, et ce en dépit des circonstances estivales et vacancières, de la
brièveté des délais pour la préparation et des diverses entraves que l'on a tenté de mettre sur notre chemin...
- Au niveau de l'organisation et de la logistique de la manifestation si l'on ne tient pas compte d'une certaine
confusion imputable aux responsables de l'hôtel. Nous renouvelons ici notre protestation contre certaines
interventions dont nous n'ignorons pas les instigateurs et dont la visée n'était autre que d'empêcher la tenue de
cette Université d'été. Nous saluons à cet égard l'engagement sans faille de tous les militants qui n'ont épargné
aucun effort et qui ont fait preuve de générosité et de disponibilité afin de garantir le bon déroulement de nos
travaux.
- Au niveau de la synergie dégagée de la relation dialectique entre l'académique et le politique. Les participants,
parmi les meilleurs experts tunisiens dans divers domaines, ne se sont pas limités à la présentation de leurs
connaissances. Qu'ils soient ou non organiquement membres de l'Initiative, ils ont tous témoigné une vive
implication dans le véritable changement démocratique que nous voulons pour notre pays.
- Au niveau du contenu et de la qualité des communications, de la pertinence des interventions, de la richesse des
discussions et du sens aigu des responsabilités dont ont fait preuve l'assistance et les intervenants, et ce dans
l'objectif commun de toujours mettre le cap vers le même horizon démocratique. La Commission du Programme politique
trouvera dans les textes de ces communications et interventions une mine considérable d'idées qui inspirera
certainement la mise en place des grandes lignes du projet politique de l'Initiative pour les prochaines
élections.
Sans préjuger des travaux de la Commission politique et dans une tentative de synthétiser de la manière la plus
fidèle possible les travaux de cette Université d'été, je me permets de regrouper les principales interventions en
thèmes, dont notamment l'économique et le social, en premier lieu, la démocratie et les institutions en deuxième
lieu, le culturel et le civilisationnel en troisième lieu.
1. Sur les plans économique et social, il est possible de dire qu'il y a eu une sorte de consensus sur un constat :
depuis l'indépendance, l'effort de développement a enregistré en Tunisie de remarquables résultats notamment en ce
qui concerne les infrastructures de base, le taux de croissance économique, la lutte contre la pauvreté, la
réponse aux exigences sociales sur les plans de l'éducation et de la santé, du Code du statut personnel et du
statut de la femme.
L'énumération des points forts des parcours économique et social de la Tunisie ne devrait cependant pas nous
empêcher de demeurer critiques à l'égard notamment des lacunes et faiblesses structurelles au niveau de la
croissance économique. Laquelle croissance reste en deçà des exigences de la société moderne dans les
circonstances internationales actuelles. Le taux de chômage se situe encore à 15%. La lutte contre la pauvreté ne
réussit pas encore à tirer un quart de la population de la nécessité. Le système éducatif affiche une déficience
indiscutable, de même que le secteur de la santé. Le statut de la femme comporte toujours bon nombre de lacunes
et d'insuffisances et il reste encore beaucoup à faire pour réaliser l'égalité entre les femmes et les hommes. Le
déséquilibre dans le développement régional, le décalage entre les zones côtières et l'intérieur du pays, et
nombreux autres points qui seront développés plus loin dans cette synthèse.
Une remarque s'impose. L'énumération des points faibles et la mise à nu des faiblesses n'implique pas que
l'Initiative dispose de propositions ou de solutions toutes faites à ces questions. Nous tenons à prendre nos
distances, nous, par rapport à toute tentation démagogique. Nous n'ignorons pas la complexité de la situation et
nous estimons à leur juste valeur les difficultés. Nous nous gardons également d'induire en erreur l'opinion car
c'est justement ce que nous reprochons au discours gouvernemental actuel de faire.
Ceci étant, il est primordial d'attirer l'attention sur un point : La Tunisie fait à la fois partie de la liste des
trente premiers pays en voie de développement économique, et de celle des trente pays les moins développés sur les
plans de la démocratie et du respect des libertés.
Soucieux d'être réalistes, nous remarquons qu'en matière sociale et économique, il est tout à fait possible
d'enregistrer des résultats meilleurs. Plusieurs opportunités de développement restent inexploitées en raison de
l'existence de plusieurs entraves.
Quelles sont les entraves qui empêchent la Tunisie d'exploiter efficacement les opportunités de progrès économique,
social et civilisationnel ?
La réponse à cette question fera l'objet du second volet des travaux de l'Université d'été. Ce volet s'intéressera
aux institutions et à l'absence de démocratie.
2. La question démocratique et les institutions : Cette question implique la participation réelle de tous les
citoyens à l'élaboration des choix politiques qui les concernent. Ils ont également le droit de procéder à et de
suivre l'application des programmes politiques adoptés et celui de discuter des résultats avec les responsables. La
question démocratique est en étroite relation avec la question du développement. Les participants ont considéré la
réforme des institutions politiques comme condition sine qua non pour une économie plus performante et la
garantie d'une croissance continue et soutenue préservée des interventions répétées et opportunistes, une économie
qui profite à l'ensemble de la nation. C'est aussi un moyen d'intégration de toutes les potentialités et de
mobilisation de toutes les catégories sociales dans le processus de développement économique dans un sens qui
sert les intérêts du peuple et de la nation.
Il ne nous serait jamais possible de pouvoir relever les défis de ce nouvel ordre mondial dans lequel nous sommes
désormais impliqués si l'on ne prend conscience de la nécessité de la réalisation de ces réformes fondamentales.
Ceci implique principalement l'indispensable passage d'un système despotique de gouvernance à un État
institutionnel représentatif qui assure la séparation effective des pouvoirs, garantit leur indépendance par
rapport au pouvoir exécutif. Un système qui rompt radicalement avec le modèle du parti unique et du pluralisme
virtuel et restaure la souveraineté populaire...
En un mot, ces réformes renvoient à l'urgence d'un véritable tournant démocratique, urgence qui ne saurait être
reportée.
En ce sens, de nombreux participants ont insisté sur la nécessité de dénoncer les manoeuvres douteuses auxquelles
recourt le pouvoir afin de garantir sa pérennité et de dépouiller les valeurs constitutionnelles de tout leur sens.
Nous rencontrons de tels agissements dans presque tous les domaines, notamment en matière de justice.
L'indépendance du système judiciaire est une valeur à assurer et à protéger par une panoplie de mesures légales et
réglementaires dont nécessairement le principe de l'élection du vote du Conseil Supérieur de la Magistrature. Les
mêmes agissements sont manifestes dans le domaine de l'information, de la presse écrite à l'Internet, en passant
par la radio et la télévision. Ces organismes demeurent fermés à toutes les voix qui s'écartent, partiellement ou
intégralement, du discours gouvernemental. Ils sont la « propriété exclusive » du parti au pouvoir et de ses
partisans.
Cette appropriation abusive des organes de l'information et qui viole des textes de lois approuvés tire sa force
de la répression quotidienne qu'exerce le pouvoir. Ces agissements n'ont d'autre but que de boucher toute brèche
possible. Nous nous devons de militer pour la suppression de toutes les entraves qui empêchent le citoyen
d'exercer librement les droits que lui garantit la Constitution.
Mettre fin au despotisme et à la mainmise sur les organes étatiques, assurer l'autonomie de ces derniers, cela
rend possible une politique transparente et efficiente sur les plans économique, social et administratif. Cela
signifie l'implication réelle de tous les citoyens tunisiens dans les prises de décision qui les concernent, sur
les plans national, régional et local, avec tout ce que cela implique en matière de dignité et de considération. Il
est grand temps de cesser de politiser chaque acte social et de vouloir ainsi condamner le citoyen au
clientélisme. La réforme démocratique pour laquelle nous nous battons vise également à rehausser la réputation de
notre pays et à lever toutes les tendances négatives qui ont longtemps pesé sur nos relations extérieures, que ce
soit au niveau méditerranéen ou européen. Notre peuple doit être en droit d'exprimer librement sa solidarité avec
les causes auxquelles il croit, notamment en ce qui concerne la question palestinienne et la situation en Irak.
Nous croyons profondément à la solidarité entre les peuples et au soutien des causes humanitaires justes. Nous
sommes soucieux de l'image de notre pays et de son positionnement dans une conjoncture mondiale qui connaît
actuellement de nombreuses turbulences. Le style despotique de gouvernance étouffe toutes les potentialités et
constitue un obstacle majeur à un véritable rayonnement de notre pays sur la scène internationale.
Un thème crucial et qui est souvent revenu dans les interventions de cette Université d'été est celui de la
citoyenneté et de la « chose publique » (Res Publica). Les intervenants ont souligné la gravité du
déséquilibre qui existe entre État et Société et ont relevé la volonté du pouvoir de réduire le citoyen à un
simple ressortissant obéissant.
Militer pour réhabiliter le citoyen et la notion de citoyenneté est l'une des priorités de cette Initiative, et
cela va dans le sens du respect des principes et des valeurs de la République. Et c'est ainsi en définitive
qu'il sera possible de mettre un terme à certaines pratiques et à certains comportements incompatibles avec une
saine mentalité de citoyen.
Ici, l'on aborde le volet culture et civilisation, troisième thème des travaux de l'Université d'été.
3. Les intervenants ont rappelé combien les contraintes que subit la vie culturelle et intellectuelle en Tunisie
contribuent à entraver la transition à la démocratie.
Sans trop entrer dans les détails, nous rappelons que la lutte pour la démocratie n'implique pas uniquement la
revendication de réformes, c'est aussi une action culturelle en profondeur capable de mettre fin à la domination de
valeurs rétrogrades appartenant à un passé révolu, de bousculer les mentalités et de combattre l'esprit
fataliste. Nous renvoyons ici à la célèbre citation de l'historien français Braudel « les mentalités sont des
prisons à perpétuité ».
C'est dans cette optique que l'Initiative ne manquera pas de se pencher comme il se doit sur les aspects culturel
et civilisationnel en Tunisie. L'intervention sur le niveau culturel doit s'effectuer dans plusieurs sens et à
plusieurs niveaux. Nous militerons pour faire prévaloir la pensée libre et le recours systématique à la raison.
Nous insisterons sur les valeurs de la liberté, la démarche critique et le sens de la responsabilité, notamment en
ce qui concerne l'éducation et l'enseignement, où règne encore la tendance au laxisme...
Il est primordial de dissocier le politique du religieux et de lutter contre l'exploitation du sentiment religieux
à des fins politiques. Il faut refuser toute tentative de « sacralisation » de certaines options politiques ou
sociétales réactionnaires.
Il est impératif d'agir pour la diffusion d'une nouvelle culture de démocratie, non seulement auprès des
opérateurs culturels, avec tout ce que cela implique comme ouverture d'esprit, garantie de la liberté de création,
respect de la divergence d'opinion, contestation de la censure... mais également à l'échelle de toute la
société. Il est nécessaire de militer pour la diffusion des valeurs démocratiques modernes et de puiser, à toutes
les sources progressistes, les constituants d'un système de valeurs positives et civiques.
Nous insistons à ce niveau sur la relativité des obstacles culturels susceptibles d'entraver la bonne marche du
processus démocratique. Divers acquis sont déjà là dans plusieurs domaines de la vie culturelle, notamment le
théâtre et le cinéma. Il est également possible de s'appuyer sur d'autres acquis à caractère démocratique dans les
domaines syndical et associatif et de les traduire en vision politique pertinente. Il ne faut pas omettre
d'intégrer dans ce projet d'élaboration politique les ressortissants tunisiens à l'étranger, tenir compte de leurs
expériences et leurs revendications et les intégrer dans le mouvement démocratique.
Nous avons passé ainsi en revue les principaux points débattus dans cette Université d'été. La nécessité du
changement démocratique et l'urgence de la transformation du système politique actuel requièrent une force
politique qui se constitue en véritable pôle de rassemblement. L'Initiative démocratique continue à susciter
l'intérêt de différents milieux dans la mesure où elle répond à un questionnement crucial : comment mettre sur pied
un mouvement démocratique progressiste, fort et uni, capable de renverser le rapport des forces en faveur d'un
véritable tournant démocratique ?
Cette Initiative, grâce au sérieux et à la maturité dont ont fait preuve tous les participants à cette Université
d'été (et à d'autres manifestations à Tunis et autres villes) ouvre des horizons qui se veulent à la fois
optimistes et réalistes.
Le programme politique de la campagne électorale présidentielle et législative saura ainsi exploiter à bon escient
tous les points soulevés par les différents participants et intervenants durant ces deux jours de rencontre. Nous y
trouverons aussi la force suffisante afin d'affronter la compétition électorale avec esprit militant et foi en nos
idéaux dès lors où ils s'affirment comme réponse à des revendications d'un peuple qui aspire à la démocratie, à la
garantie de sa souveraineté et à une plus grande ouverture des horizons de progrès et de dignité.