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Avis de liquidation au gouvernement

Et si on mettait en vente aussi le ministère de l'intérieur, non pas pour le bazar du mouvement social qu'il n'arrive pas à juguler dans la légitimité virtuelle de ce dernier, son illégalité réelle et sa compréhension fantaisiste du droit légué par la révolution, mais pour le désordre autorisé au mépris de la loi à des miliciens sans vergogne, menaçants et violents, ainsi que pour l'insécurité provoquée par des malfaiteurs qui s'introduisent jusque dans les chambres à coucher de paisibles familles endormies, à grand renfort de technologies déjouant les caméras et les systèmes d'alarme ainsi que de réseaux de gamins en errance, introduits dans les demeures jusque par des lucarnes ! Une telle incurie vaut bien la braderie de cette institution.

Et si on mettait aux enchères publiques le ministère des affaires étrangères, pour la confusion et l'incohérence d'une diplomatie à plusieurs voix, jamais avec aussi peu de prestige, jamais autant contestée par les grands ambassadeurs de notre souveraineté, jamais aussi loin de la neutralité historique de notre petit pays, jamais aussi proche de stratégies impériales étrangères, avec un porte-voix toujours en goguette aux grands frais de l'État sans qu'on en voie les retombées concrètes, mais trop souvent à laver notre linge sale hors frontières.

Et si l'on se débarrassait au moindre prix du ministère de l'enseignement supérieur, pour la camelote, les balivernes et les absurdités qu'il nous sert depuis quelques temps et bla bla bla sur les complots via Interpol, ainsi que pour sa mauvaise note flanquée d'un avertissement à Béji Caïd Essebsi au lieu de s'occuper du 6 719e rang mondial de l'université tunisienne au classement de Shanghai, et encore, c'était avant qu'une poignée d'étudiantes en niqab ne paralysent pendant des mois l'enseignement universitaire avec la bénédiction tacite de son administrateur en titre.

Et si l'on clôturait pour solde de tout compte le ministère des finances, dont on ne comprend plus rien à la comptabilité, avec une croissance positive sur des indicateurs négatifs sans que l'on sache avec rigueur de quelle date part l'évaluation et à quelle date elle aboutit, avec des déficits qui s'amplifient, des devises qui se raréfient, des manufactures qui patinent et des services qui s'enlisent, un tourisme à peine frémissant et malgré tout l'annonce incantatoire d'un redécollage imminent tandis qu'est démissionné un directeur général de la statistique dont les courbes s'emmêlent dans le noeud gordien de la crise.

Et si l'on pliait boutique du ministère de l'emploi, pour n'avoir pas rempli les promesses électorales des parties enfin parvenues au pouvoir et pour manquer à celle de l'allocation chômage, aux nouveaux critères de laquelle les jeunes demandeurs en attente ne comprennent plus rien. Et comme ironise Béji Caïd Essebsi, que le pourvoyeur en chef de l'emploi national balaye d'abord devant sa porte avant de dépoussiérer l'histoire de ses prédécesseurs.

Et si l'on proposait à intérim la responsabilité d'un chef de gouvernement plus occupé à recevoir et à jouer au VIP qu'à promouvoir une vision gouvernementale cohérente, compétente, efficace, mettant indiscutablement le pays en mouvement, sans préoccupation partisane ou idéologique.

Et si on confiait à un think tank la rédaction sans cesse différée, sous tous les prétextes possibles, de la Constitution dans une Assemblée d'où surgissent les propositions les plus accablantes de bizarreries, de passéisme et quelques fois même de barbarie après une révolution à vocation démocratique et sous la férule d'un président oscillant entre le pic d'une hyperglycémie colérique contre les démocrates et le niveau d'une hypoglycémie placide envers une majorité hégémonique, ponctués d'accès passionnels pour les femmes car « mezel fama rjel fel bled » (quoiqu'à 15 ans d'écart il ne s'agisse pas des mêmes femmes) : cher docteur, prenez donc du chocolat, il stimule la mémoire et apaise l'humeur.

Quant aux palais de la présidence de la République, ils ont été déjà mis sur le marché. Pourtant nous gardons quand même le palais de Carthage pour la continuité de l'État et parce que son locataire provisoire, en dépit de ses fantaisies et écarts, a eu quelques beaux gestes symboliques en accord avec ce haut degré de civilisation auquel entend se hisser notre pays.

Et si... Et si... Et si... En réponse on trouverait ces suggestions loufoques, absurdes, choquantes, n'est-ce pas ? Pourtant quelque dizaines d'individus mettent bien en vente l'établissement public de la télévision nationale, dans la foulée des propositions du chef d'Ennahdha et du chef du groupe parlementaire nahdhaoui, et cela à coups de pancartes odieuses, de slogans menaçants, d'appels à la peine de mort et de violences manifestes contre les journalistes et le personnel de cette télévision, sous le regard passif des agents de la sécurité et, ce mardi 24 avril 2012, des militaires. Cela dure depuis 55 jours dans l'infinie miséricorde du procureur de la République et du ministère de l'intérieur jugeant ce siège pacifique et inoffensif jusqu'à ce que finalement, et sans qu'on y semble y voir urgence, ces deux institutions cherchent à s'accorder pour trouver une solution. Dans tout autre pays démocratique, a fortiori despotique, un tel siège suivi d'un tel assaut accompagné d'outrages, d'outrances et de violences, auraient été assimilés à une tentative de putsch, à un coup d'État contre la nation dont la télévision est l'expression publique. Dans tout autre pays, cette razzia aurait été traitée comme telle !

Chez nous cette subversion de l'ordre consensuel est tolérée : c'est une curiosité de la révolution tunisienne qui a installé finalement à la gouvernance un OPNI, un Objet Politique encore Non Identifié.

Nadia Omrane

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