Troisième face à face Obama-Mc Cain
Leçons d'une campagne, vue de la périphérie
Après le face à face « boum boum boum » (d'un refrain entonné par Mc Cain contre l'Irak) et après le face
à face « krach » (de la finance mondiale), voici qu'un troisième homme intervient entre les deux
challengers, Joe le plombier.
Ce petit chef d'entreprise (dont on apprendra plus tard qu'il est un petit escroc, inscrit sur les listes
républicaines) ayant mis au pied du mur Barack Obama à propos de son programme fiscal, John Mc Cain en a saisi
l'aubaine et questionné au corps à corps son concurrent sur ce que pensait Joe le plombier de ses intentions de
gouvernance. Déjà Sarah Palin avait forcé Joe Biden à débattre « autour de la table de la cuisine », c'est-à-dire
autour des soucis ordinaires de l'Américain moyen.
Pour cet ultime face à face dit de la dernière chance, Mc Cain aura-t-il renversé la tendance de l'opinion
aujourd'hui, largement en sa défaveur ? Pas le moins du monde. Sur toutes les questions de santé, d'éducation,
d'emploi et de fiscalité, Mc Cain a pourtant des solutions : crédit d'impôts pour pouvoir se payer une couverture
santé, accès plus soutenu à l'éducation, défiscalisations pour soutenir l'investissement en entreprise et par
conséquent l'embauche.
Mais Obama, plus interventionniste, va plus loin, revenant à une forme d'État-providence en ces temps de crise :
sécurité sociale et accès aux soins dans un système de santé publique, accès au plus grand nombre à l'université
dont le coût aujourd'hui est de 35 000 à 60 000 dollars, enfin fiscalité accrue sur les grosses
entreprises, notamment pétrolières, et moralisation de la finance.
Moralisation, ce fut aussi le maître mot de ce débat où Obama fut forcé de s'expliquer sur des relations troubles
avec un ancien co-équipier, professeur d'université à Chicago, autrefois adepte de la violence, comme il dut se
disculper de relations avec une association aux pratiques électorales louches. Obama opposa de belles parades à
l'ensemble de ces attaques, plus rigoureux, volant plus haut que son adversaire, avec une vision de surplomb.
À l'inverse de ce vieux père de famille opposé à l'avortement et aussi libéral en matière d'économie qu'il est
conservateur dans le domaine privé, Obama apparaît réellement pour sa part comme l'homme du changement, de la
politique familiale à l'économique, l'écologique ! Sans doute est-ce cela qu'une majorité de l'électorat américain
favorable au candidat noir, en dépit de préjugés raciaux, a intuitionné : Obama sera l'acteur de la gestion d'une
formidable mutation sociétale, économique et politique, bref d'une révolution civilisationnelle aux USA.
Il reste que Mc Cain se défendra d'être le continuateur du système Bush : Il l'est pourtant particulièrement en
politique étrangère, conservateur d'une présence en Irak et « boum, boum, boum » sur l'Iran ! Mais Obama
ne poursuit-il pas à sa manière le grand rêve hégémonique américain, déplaçant canons et soldats d'Irak en
Afghanistan et au Pakistan ?
Enfin, de la part d'Obama (pas plus que de Mc Cain évidemment), pas un mot sur les ventes d'armes à l'étranger qui
entretiennent le lobby militaro-industriel américain et font tourner la machine économique ; à l'inverse
« les
pays qui ne nous aiment pas », c'est-à-dire les pays arabes et le Venezuela, peuvent s'attendre à une
diminution des commandes américaines de pétrole. Last but not least, l'aide américaine à l'étranger va se
trouver restreinte, du fait de la crise que traversent les USA : charité bien ordonnée commence par soi-même,
inside et non outside.
On peut redouter hélas que cette grande démocratie pour elle-même qu'est l'Amérique, et non pour « les
barbares »
que sont les peuples de la périphérie, ne se survive à ce fantasme d'elle-même, dans un éternel projet de
gouvernance mondiale, pour un nouveau siècle qui ne sera pas, faudra-t-il s'en réjouir, américain !
Nadia Omrane
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