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Ramdam autour de sifflets
« Patriotard, scrogneugneu, grotesque et incitatif à la récidive ».

Petit retour à l'étymologie d'abord : ramdam c'est, selon le dictionnaire, le vacarme nocturne des musulmans en Ramadhan (1896). C'est dire la connotation de ce tapage autour de sifflets de la Marseillaise, un ramdam politique à dimension xénophobe et qui prend l'allure d'une affaire d'État.

Certes, l'incident est répréhensible, choquant pour 80% de la population française, selon un sondage. Ce n'est pas la première fois, et si la Marseillaise fut sifflée lors des matches France-Algérie (2001) et France-Maroc (2007), ce comportement offensant et qualifié d'« anti- patriote » s'est manifesté lors du match Bastia-Lorient, deux villes bien françaises mais appartenant à deux régions, la Corse et la Bretagne, qui ont des velléités d'autonomie par rapport au pouvoir central.

Sans doute, les banlieues des grandes villes et particulièrement de Paris, le 93 où se trouve le stade de France, vivent-elles un malaise grave ayant engendré des violences et se sentent-elles à ce point déclassées, non intégrées au semblant de croissance française, qu'elles huent les symboles d'une nation dont les enfants des cités sont les parents pauvres. Mais tout de même les parents, car ceux que France 2 au journal de 20h qualifie de Tunisiens sont Français, quoique - objectent les chauvinistes - à la deuxième ou troisième génération et non « de souche ».

Sur quelques 70 000 personnes au stade pour ce match, les chiffres donnent (mais comment les aura-t-on identifié ?) plus de 60 000 Tunisiens : demande-t-on, exige-t-on patte blanche ou patte bistre à l'entrée des stades ? Bernard Laporte, Secrétaire d'État aux Sports, dira que la moitié du public, 35 000 spectateurs, aura bénéficié d'invitation : de qui vers qui ?

En tout cas, la sanction a pénalisé les Tunisiens sans distinction ni enquête préalable. Quoique, le tribunal de Bobigny, sur la foi des caméras de surveillance, va donner la chasse à l'homme : six mois de prison et 7500 euros d'amende sont prévus en cas d'offense au drapeau ou à la Marseillaise. Puis, les compétitions avec les pays du Maghreb seront annulées : pénalisation des « pays que nous aidons beaucoup » répète à l'envi Bernard Laporte, oublieux sans doute d'une occupation centenaire, du pillage de ces pays et de la dette coloniale de la France envers eux. La Libye se fait rembourser la sienne par l'Italie !

Après, le gouvernement français prendra d'autres mesures qui concernent les compétitions sportives en France, en cas d'incidents similaires, mesures ridiculisées par les observateurs : « patriotard, scrogneugneu, grotesque, incitatif à la récidive ». Ces mesures, dont on souligne l'inapplicabilité et l'inopérance, aggraveront la défiance et le sentiment d'exclusion, de déclassement.

« Chacun trahit sa patrie à sa manière » dit Jean Paulhan. Les sifflets ne ciblaient-ils pas, surtout et à l'évidence, la chanteuse Laam et le joueur Hatem Ben Arfa, tous deux d'origine tunisienne, qui, perçus comme chantant et jouant contre leur camp, trahissaient d'une certaine façon leur patrie, la Tunisie ? Et, peut-être, le comble de l'antipatriotisme est-il de discriminer toute cette jeunesse des banlieues qui n'est pas, ancestralement, de pure souche.

Au même moment l'Europe, inspirée par le projet Hortefeux, vient de s'accorder sur une politique d'immigration « choisie », c'est-à-dire sélective et discriminatoire.

Enfin, c'est en novembre que doit se choisir le centre de l'Union pour la Méditerranée : Tunis, qui y est candidate, ne doit-elle pas en désespérer ?

Nadia Omrane

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