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L'UPM entre l'euphorie d'effet d'annonce et le désenchantement de
projets sans fonds
« Où est le problème ? »
Ce 13 juillet 2008, au bout de 180 minutes de discussions dévolues à une quarantaine de chefs d'États et de
gouvernements, l'Union pour la Méditerranée (UPM) que « nous avions rêvée » est devenue une réalité. En démiurge,
habitué aux prescriptions incantatoires, le président Nicolas Sarkozy a déployé ses effets spéciaux dans un grand
show médiatique et un tour de force diplomatique. Mais l'euphorie inaugurale a peu à peu glissé vers le
désenchantement de projets concrets sans fonds, dans le cadre d'une union a maxima quant au rêve et a minima quant
au réel.
À défaut d'un espace élaboré de gouvernance, voilà tout de même un formidable lieu de débats et de
remue-méninges pour notre classe politique qui ne palpite plus pour rien.
C'est dans l'exaltation d'un discours inaugural que le président Sarkozy a écrit les premiers mots « d'une histoire
commune » et d'un destin partagé que « nous réussirons ou échouerons ensemble ».
Comment au premier abord ne pas s'en émouvoir ou refuser de s'y associer ? Sur la rive sud, 272 millions
d'habitants, près de 400 millions d'ici 2030, entendent s'arrimer et être tirés vers le haut par un continent
certes vieilli mais encore prospère, et surtout si riche de valeurs d'humanisme et de démocratie.
Voici le côté jardin de ce théâtre d'ombres, d'effets spéciaux et de faux semblants, de coulisses obscures sous des
apparences sémillantes, scène virtuelle où quelques mesquines tyrannies et quelques démocraties dominatrices
projettent leurs silhouettes grandies, magnifiées dans l'esquisse d'un merveilleux et décuplé quadrille. Au creux
de la conférence de presse qui s'ensuivit, pointait déjà le mensonge. Car à une question perfide sur l'éclipse du
président Assad qui quitta la salle au moment où le premier ministre israélien discourait, Nicolas Sarkozy
s'évertue à nier cette sortie symbolique, dissimulation française que le président Moubarek s'empresse de corriger
tout en banalisant l'incident : « Où est le problème ? » questionnera-t-il à la cantonade.
Où sont-ils donc tous les problèmes de ce lancement ? D'abord à l'évidence, dans le caractère uniquement
symbolique de certaines postures, et dans la virtualité d'effets d'annonces : on ne retiendra que l'ouverture
réciproque d'ambassade à Damas et Beyrouth. Mais au-delà, quelles réelles semences portent-elles les promesses des
fruits de la paix, même si le grand élu de cette grand messe, le président Bachar El Assad, annonce une paix
magique dans un délai de 6 mois à 2 ans ?
Magique semble devoir être aussi la réalisation de projets concrets dont nul ne contestera l'opportunité voire
l'urgence : la dépollution de la mer la plus sale, la plus toxique au monde, le plan solaire au grand astre
méditerranéen, l'extension du programme Erasmus à une université euromediterranéenne nous en semblent les phares
les plus étincelants. Mais qui paiera ? À défaut de la Libye absente et de l'Algérie dont le président Bouteflika
menace déjà qu'« elle ne sera pas la vache à lait », l'émir du Qatar - qui versa, semble-t-il, déjà la rançon des
infirmières bulgares - était là, en ami bienveillant de Nicolas Sarkozy qui semble pour sa part prévenir sans
états d'âme l'OPA des fonds souverains du Golfe sur le patrimoine industrialo-financier de l'Europe.
Celle-ci ne propose que 3 milliards d'euros pour l'étape 2008-2013 dans l'opération méditerranéenne, à condition
que de la Méditerranée à Riga - la capitale lettone préparant ses camions de bois à destination du
Maghreb - les
27 pays européens encadrent les pays de la rive sud. Le processus de Barcelone prolongé en Union méditerranéenne
continue de conduire le coaching d'une mise à niveau de ce marché méridional qu'il tente de faire évoluer vers une
gouvernance démocratique. La Turquie est rejetée au niveau de ce voisinage inférieur et peut désespérer de
s'intégrer à l'Union européenne. La Mauritanie atlantique et le Qatar, ainsi que la Ligue arabe, se retrouvent
aussi associés à cette bien curieuse géopolitique.
Que d'embûches à dépasser, que de scepticisme à transcender, que de malédictions à conjurer ! « Il n'y a pas de
fatalité », dit M. Sarkozy, qui psalmodie à l'égal de Moubarek que tout est affaire de confiance.
Celle des Tunisiens est échaudée : il faudra attendre novembre pour savoir si le Secrétariat général de l'UPM et
son siège sont dévolus à la Tunisie. Quant au président Ben Ali, il n'a pas attendu, pour sa part, les festivités
du 14 juillet pour rentrer chez lui gérer les affaires du pays. Il nous faudra donc former des voeux pour ne pas
être déçus, mais au-delà de l'incantation, ou du tour de force diplomatique, ou du show médiatique, voilà un cadre
et un forum de débats : nous y discuterons en partenaires de commerce équitable, de développement solidaire et de
paix dans cette grande bleue où nous espérons que le projet d'écologie durable visera le respect de la faune et
flore marines autant que de l'humaine diversité.
Nadia Omrane
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